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Définition de la notion de sous-traitance

Cass, 3ème civ, 18 janvier 2024, n° 22-20.995 ; 22-22.224 ; 22-22.302, Publié au bulletin

L’arrêt qui a été rendu par la Cour de cassation le 18 janvier 2024 (Cass, 3ème civ, 18 janvier 2024, n° 22-20.995 ; 22-22.224 ; 22-22.302) est une bonne occasion de rappeler les contours de la notion de sous-traitance.

Dans cette espèce, la société EXPANSIEL PROMOTION et la société VALOPHIS avaient confié des travaux de démolition et de terrassement à la société NOSSOL sur quatre chantiers différents.

La société NOSSOL avait alors sollicité la société AGREGATS DU CENTRE RECYCLING (ACR) pour procéder à l’évacuation et à la gestion des terres excavées des quatre chantiers.

La société NOSSOL avait été placée en liquidation judiciaire alors que la société ACR n’était pas intégralement soldée de son marché.

Sur ce, la société NOSSOL a fait assigner la société EXPANSIEL PROMOTION et la société VALOPHIS sur le fondement des dispositions de l’article 14-1 de la Loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, relative à la sous-traitance, afin de solliciter leur condamnation au paiement de dommages intérêts en réparation de son préjudice découlant de l’absence de mise en demeure de l’entrepreneur principal de satisfaire à ses obligations d’acceptation et d’agrément du sous-traitant et à cette occasion de vérification de l’existence d’une garantie de paiement.

Afin d’échapper à la sanction prévue par l’article 14-1 de la Loi du 31 décembre 1975, les maîtres de l’ouvrage ont contesté la qualité de sous-traitant de la société ACR, au motif que : « La qualification de sous-traitance suppose la participation directe à l’acte de construire, objet du contrat principal ; que la prestation d’évacuation et de traitement de déchets de construction ne participe pas en soi à l’acte de construire. »

Dans un arrêt en date du 6 juillet 2022, la Cour d’appel de Paris a retenu la qualification de sous-traitance relativement aux prestations de la société ACR, bien que limitées à l’évacuation et au traitement des déchets des chantiers, au regard de l’article 1er de la Loi du 31 décembre 1975.

L’analyse est confirmée par la Cour de cassation dans son arrêt publié du 18 janvier 2024 en ces termes :

« La cour d’appel a constaté que la société NOSSOL était chargée des travaux de démolition et terrassement et que ces travaux comprenaient le déblai, consistant à enlever les terres pour abaisser le niveau du sol, le chargement des déblais sur les véhicules de transport, le transport par la mise en remploi ainsi que l’évacuation des terres excédentaires. 

Elle a ensuite relevé que la société NOSSOL avait confié à la société ACR une partie des tâches lui incombant, consistant en l’évacuation, le transport et le traitement des terres qu’elle avait excavées sur les différents sites. 

Elle a retenu que la société ACR avait mis en œuvre des compétences techniques et logistiques complexes pour réaliser les prestations qui lui avaient été dévolues, de sorte que son intervention ne pouvait être réduite à la fourniture de bennes ou à l’évacuation en déchetterie. »

Il sera donc rappelé que l’article 1er de la Loi du 31 décembre 1975 définit la sous-traitance comme l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage.

Fondamentalement, la qualification de sous-traitance suppose que le contrat principal et le sous-traité soient l’un et l’autre des contrats de louage d’ouvrage, l’article 1710 du code civil définissant le contrat de louage d’ouvrage comme étant le contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour un autre, moyennant un prix convenu entre elles.

Il en résulte la nécessité de démontrer, d’une part que l’entreprise principale a bien confié à une autre entreprise tout ou partie des tâches qui lui avaient été confiées par le maître de l’ouvrage, et d’autre part que cette autre entreprise a effectivement participé à l’acte de construire.

Ces deux critères sont successivement examinés par la Haute juridiction dans l’arrêt rendu le 18 janvier 2024.

1.    En premier lieu, la Cour de cassation a constaté que l’entreprise principale (NOSSOL) avait bien confié à une tierce entreprise (ACR) une partie des tâches lui incombant.

La sous-traitance implique en effet que le sous-traitant effectue tout ou partie de la mission qui a été confiée à l’entreprise principale (Cass, 3ème civ, 24 juin 2014, n° 13-19.829 ; Cass, 3ème civ, 23 septembre 2014, n° 12-27.008).

A toute fin, il sera rappelé qu’en vertu de l’article 6 de la Loi MURCEF du 11 décembre 2001, la sous-traitance ne peut concerner qu’une partie du marché public, ce qui est également repris à l’article 4-6 de la NFP 03-002 concernant le génie civil en marché privé.

La notion de sous-traitance doit donc être écartée lorsque le marché a été régularisé non pas par l’entreprise principale, mais par le maître de l’ouvrage (Cass, 3ème civ, 23 septembre 2014, n° 12-27.088, au sujet d’un contrat de maîtrise d’œuvre).

2.    En second lieu, la Cour de cassation s’est attachée à vérifier que la tierce entreprise (ACR) avait effectivement participé à l’acte de construire, ce qui caractérise l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage, à la différence d’un contrat de vente ou de location.

Dans un arrêt en date du 23 janvier 2002 (Cass, 3ème civ, 23 janvier 2002, n° 00-17.759), la Haute juridiction a déjà eu l’occasion de préciser que n’est pas un sous-traitant, un entrepreneur qui ne participe pas directement par apport de conception, d’industrie ou de matière, à l’acte de construire.

Dans l’arrêt du 18 janvier 2024, il a été tout précisément objectivé la « mise en œuvre des compétences techniques et logistiques complexes pour réaliser les prestations », afin de caractériser l’apport d’industrie de la société ACR à l’acte de construire, dont l’intervention ne pouvait donc pas être « réduite à la fourniture de bennes ou à l’évacuation en déchetterie ».

Déjà, dans un arrêt en date du 10 mai 2011, la Cour d’appel de Montpellier (Cour d’appel de Montpellier, 2ème chambre, 10 mai 2011, n° 09-07984) avait eu l’occasion de distinguer les notions de sous-traitance et de louage de véhicule, au sujet d’un marché consistant dans des travaux de démolition et remblaiement, impliquant notamment l’exécution de déblais en masse en nappe phréatique nécessaires à la réalisation du creusement d’un bassin, avec évacuation des déblais non réutilisés sur place en remblaiement.

Il avait alors été retenu que le marché constituait un contrat de louage d’ouvrage et non un contrat de transport, « lequel se caractérise par le déplacement de marchandises ou de personnes par un voiturier professionnel d’un expéditeur vers un destinataire », et que s’il était contractuellement prévu l’évacuation de déblais, « cette activité n’était qu’accessoire et en outre de constituait pas pour autant un transport entre un expéditeur et un destinataire. »

Procédant à une analyse plus contestable de la notion de sous-traitance, dans un arrêt en date du 27 janvier 2020, la Cour d’appel de Paris (Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 5, 27 février 2020, n° 17-14063) a considéré que la qualification de sous-traitance devait être retenue en présence de prestations correspondant à la mise à disposition de bennes avec relevé des gravas de chantier :

« Dans la mesure où ces pièces établissent que la mission confiée à la société Eco BTP Environnement consiste non seulement à mettre les bennes à disposition du chantier mais également à procéder à l’enlèvement des gravats, tâche entrant dans le contrat d’entreprise, il y a lieu de retenir l’existence d’un contrat de sous-traitance, l’existence d’un contrat écrit n’étant pas obligatoire. »

Dans son arrêt en date du 18 janvier 2024, la Cour de cassation rappelle donc la nécessité de caractériser la mise en œuvre d’un travail spécifique (en l’espèce « compétences techniques et logistiques complexes ») pour réaliser les prestations confiées par l’entrepreneur principal, afin de pouvoir retenir la qualification de contrat de louage d’ouvrage et consécutivement celle de sous-traitance.

Cette analyse est au-demeurant parfaitement conforme avec la jurisprudence habituelle en matière de sous-traitance industrielle, notamment au sujet de la location d’échafaudage avec main d’œuvre pour la pose, la dépose et le transport, la Cour de cassation ayant déjà indiqué à ce sujet, par un arrêt en date du 23 janvier 2002 (Cass, 3ème civ, 23 janvier 2002, n° 00-17.759, Publié au bulletin), pour écarter la qualification de sous-traitance, que :

« Aucun document n’établissait la réalité des prestations relevant d’une spécificité particulière. »

(…)

« La fourniture des échafaudages ne participait pas directement par apport de conception, d’industrie ou de matière à l’acte de construire objet du marché principal, mais se limitait à mettre à la disposition du locateur d’ouvrage le matériel adapté dont il avait besoin pour mener à bien sa tâche. »

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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