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Activités déclarées lorsque les travaux de terrassement et d’enrochement ne se confondent pas

Cass, 3ème civ, 18 janvier 2024, n° 22-12.781 

Si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles prévues par l’annexe 1 à l’article A 243-1 du code des assurances, la garantie de l’assureur ne peut en tout état de cause concerner que le secteur d’activité déclaré par l’entrepreneur. 

Il est ainsi de jurisprudence constante que « la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité déclaré par le constructeur (Cass, 3ème civ, 17 décembre 2003, n° 02-11.539). 

Dans un arrêt rendu le 18 janvier 2024 (Cass, 3ème civ, 18 janvier 2024, n° 22-12.781), la Cour de cassation a considéré que l’activité d’enrochements, non expressément déclarée à l’assureur, étant distincte de l’activité de terrassement, la garantie RC décennale ne pouvait pas être mobilisée au titre du sinistre déclaré, qui avait pour origine des travaux d’enrochements exécutés pour soutenir et stabiliser un terrain : 

« En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que les travaux d’enrochement exécutés par la société Bonnet et fils avaient pour fonction de soutenir et stabiliser le terrain surplombant la voie d’accès et la parcelle voisine et que l’assuré n’avait pas déclaré l’activité d’enrochement, distincte de celle de terrassement, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. » 

Cette analyse, qui se fonde sur l’examen des procédés techniques utilisés par l’assuré et l’objet même des travaux réalisés, n’est pas nouvelle puisque déjà, dans un arrêt rendu le 17 décembre 2003 (Cass, 3ème civ, 17 décembre 2003, n° 02-11.539, Publié au bulletin), la Cour de cassation avait retenu que la réalisation de travaux de réfection et de surélévation d’une digue et d’enrochement, présentant des désordres, n’entrait pas dans la catégorie des activités de construction de bâtiment, « ni d’aucune des familles professionnelles prévues au contrat qui mentionne l’activité de VRD. » 

La Haute juridiction a une nouvelle fois refusé d’assimiler les travaux d’enrochements aux travaux de terrassement par un arrêt en date du 23 mai 2006 (Cass, 3ème civ, 23 mai 2006, n° 05-15.367) : 

« Attendu qu’ayant retenu que le marché conclu entre M. X… et M. Z… était relatif au terrassement et à l’enrochement nécessaires à l’extension d’un pavillon, que les désordres affectant ces travaux ne relevaient pas de la garantie décennale des constructeurs, que M. Z… avait souscrit auprès de la Caisse d’assurance Mutuelle du Bâtiment et des travaux publics (CAMBTP) un contrat garantissant les conséquences pécuniaires des responsabilités encourues vis-à-vis des tiers dans l’exercice de ses activités déclarées, parmi lesquelles, les voies et réseaux divers dont la destination est la desserte privative d’un bâtiment, la cour d’appel, répondant aux conclusions, a pu en déduire que la garantie n’était pas due, le sinistre trouvant sa cause dans les travaux d’enrochement réalisés par M. Z… ; » 

Alors que les travaux d’enrochement consistent essentiellement à entasser des blocs de pierre ou de roche qui sont destinés à servir de fondation ou de protection contre un éventuel éboulement de terrain, les travaux de terrassement et de VRD ont pour objet la réalisation d’un ensemble d’ouvrages destinés à la viabilisation d’un terrain en vu de la construction d’un bâtiment (voirie, alimentation en eau, gaz, électricité, télécommunications, assainissement, éclairage public …). 

Lorsque les travaux de VRD regroupent tout un ensemble de prestations indispensables à la construction d’un bâtiment, les travaux d’enrochement consistent pour leur part en une technique d’aménagement des extérieurs au moyen de rochers. 

Il s’agit donc de travaux dont l’objet est effectivement très différent. 

Il reste que pour déterminer si l’activité exercée par l’assuré entre ou non dans le champ de la garantie RC décennale, il est toujours important de se référer à l’attestation d’assurance qui a été délivrée par l’assureur et dont la rédaction peut être déterminante, puisqu’elle engage nécessairement l’assureur. 

C’est ainsi que la Cour d’appel de Grenoble a retenu la garantie RC décennale de l’assureur dans un arrêt rendu le 18 novembre 2018 (Cour d’appel de Grenoble, 18 novembre 2008, n° 06-04041), dans une espèce où, alors qu’il contestait sa garantie au titre des activités déclarées, il était justifié de la délivrance de deux attestations d’assurance concernant la garantie RC et décennale pour les activités de terrassements, VRD et enrochements. 

L’analyse au cas par cas des activités exercées en considération des activités déclarées par l’assuré, n’est pas de nature à constituer une situation sécurisante. 

Au-demeurant, la situation du souscripteur d’un contrat d’assurance RC décennale est d’autant plus délicate que, s’agissant des travaux de terrassement, pour lesquels il était à priori acquis que la garantie puisse être acquise dès lors que l’activité était déclarée, la jurisprudence a été amenée à considérer qu’il en allait autrement lorsque l’entrepreneur avait réalisé des travaux de terrassement et d’aménagement du terrain, « qui n’incorporaient pas de matériaux dans le sol au moyen de travaux de construction, que la viabilisation avait été effectuée par une autre entreprise et que le glissement [de terrain] s’était produit avant la réalisation de tout ouvrage », peu important que l’entrepreneur ait eu connaissance d’un projet de construction (Cass, 3ème civ, 10 novembre 2021, n° 20-20294, Publié au bulletin). 

Sur ce, et plus que jamais, compte tenu des conséquences parfois dramatiques qui peuvent en découler, l’assureur se doit de s’imposer un devoir d’information et de conseil renforcé à l’égard du souscripteur à l’assurance, afin que l’assuré puisse apprécier, dans un contexte de parfaite loyauté, la nature et les limites des garanties souscrites, sans pour autant être jamais à l’abris des affres de la jurisprudence. 

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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