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L’architecte est tenu de réaliser un projet qui soit réalisable

Dans le cadre de cette affaire, un architecte s’était vu confier par des maîtres de l’ouvrage la mission d’établir les avants projets, le dossier de permis de construire et de consulter des entreprises sous la forme d’un appel d’offres.
L’architecte avait alors conseillé au maître de l’ouvrage de réaliser une étude de sol.
La preuve de cette information était rapportée par la mention qui en avait été faite dans les documents préparés par l’architecte et qui avaient été remis aux maîtres de l’ouvrage, ce qu’il ne pouvait dès lors pas contester.

En définitive, l’étude de sol n’avait pas été réalisée.

Postérieurement à la réception des ouvrages, des désordres de fissurations sont apparus sur le gros œuvre tenant à l’absence de prise en compte des contraintes du sol, ce qui aurait pu être évité par la réalisation de l’étude de sol qui avait été conseillée avant la réalisation des travaux.

La responsabilité de l’architecte ayant été recherchée sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du code civil, dès lors que les désordres objectivés étaient de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination, le maître de l’ouvrage s’était vu opposer sa propre faute et à tout le moins son acceptation des risques découlant de la non-réalisation de l’étude de sol qui avait été prodiguée.

Par un arrêt en date du 15 février 2024 (Cass, 3ème civ, 15 février 2024, n° 22-23.682), la Cour de cassation a balayé cette argumentation, en indiquant que : 

« L’architecte, auteur d’un projet architectural et chargé d’établir les documents du permis de construire, doit proposer un projet réalisable, tenant compte des contraintes du sol. »

La Haute juridiction confirme ainsi sa position précédemment adoptée dans un arrêt publié du 21 novembre 2019 (Cass, 3ème civ, 21 novembre 2019, n° 16-23.509), au terme duquel elle avait déjà retenu que l’architecte, auteur d’un projet architectural et chargé d’établir les documents du permis de construire, avait « pour mission de proposer un projet réalisable, qui tienne donc compte des contraintes du sol. » (voir également dans le même sens : Cass, 3ème civ, 25 février 1998, n° 96-10.598, également publié au bulletin).

Dans le cadre de cette affaire, les désordres étaient imputables à la déstabilisation d’un remblai dont le maître de l’ouvrage s’était réservé la réalisation, étant alors reproché à l’architecte, en phase de conception, d’avoir proposé un projet qui ne tenait pas compte des contraintes du sol et qui n’était donc pas réalisable. 

Informer le maître de l’ouvrage de la nécessité de réaliser une étude de sol ne suffit donc pas pour exonérer l’architecte de sa responsabilité, puisqu’il peut toujours lui être reproché d’avoir poursuivi ses études sans avoir disposé des moyens nécessaires pour s’assurer du caractère effectivement réalisable du projet.

La seule dérogation à ce principe peut toujours découler de l’acceptation délibérée des risques par le maître de l’ouvrage, ce qui implique une certaine exigence probatoire à la charge de l’architecte, la Haute juridiction ne manquant pas d’indiquer, à cet égard, dans son arrêt en date du 25 février 2024, que si les désordres étaient imputables à l’absence de prise en compte des contraintes du sol, ce qui était imputable à l’architecte, celui-ci ne caractérisait pas l’acceptation délibérée des risques par les maîtres de l’ouvrage. 

Dans cette même décision, l’arrêt d’appel est également cassé pour avoir prononcé la mise hors de cause du BET structure qui avait réalisé les plans d’armature du dossier de consultation des entreprises, tout en avertissant également de la nécessité de dimensionner les fondations après la réalisation d’une étude de sol, faute par les maîtres de l’ouvrage de justifier de la remise des plans de dimensionnement à l’entreprise exécutante (ce qui impliquait la réalisation de l’étude de sol), la Cour de cassation répondant de façon tout aussi claire « qu’il appartient au locateur d’ouvrage de démontrer l’existence d’une cause étrangère l’exonérant de sa responsabilité », qui n’était pas caractérisée en l’espèce malgré l’information délivrée.

De façon plus générale, dans un arrêt en date du 9 mars 2022 (Cass, 3ème civ, 9 mars 2022, n° 20-19.598), la Cour de cassation a été amenée à rappeler, sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du code civil (devenu article 1231-1) que : « Il résulte de ce texte que l’architecte, tenu de concevoir un projet réalisable, a un devoir de conseil à l’égard du maître de l’ouvrage sur la faisabilité de l’opération dont il est le maître d’œuvre. »

Il avait alors été reproché à l’architecte d’avoir manqué à son devoir de conseil envers le maître de l’ouvrage, en ne déconseillant pas la réalisation d’un projet en méconnaissance des clauses et servitudes qui limitaient le droit de construire.

Le principe de l’obligation imposée à l’architecte de « concevoir un projet réalisable » vaut donc non seulement à l’égard des principes constructifs, qu’à l’égard des règles d’urbanisme (Cass, 3ème civ, 4 mai 2016, n° 15-13.972 : pour la mise en cause de la responsabilité de l’architecte à la suite de l’annulation du permis de construire pour erreur manifeste d’appréciation, au motif que la déclivité de l’accès et l’absence de trottoir présentait un risque pour la circulation de piétons). 

Il en découle également l’obligation pour l’architecte, afin de remettre un projet qui soit effectivement réalisable, de s’enquérir en amont des intentions et des besoins du maître de l’ouvrage, qu’il n’exprimera pas nécessairement de façon volontaire dans le cadre de la définition de son projet.
C’est ainsi que dans un arrêt en date du 2 juin 2016 (Cass, 3ème civ, 2 juin 2016, n° 15-16.981, publié au bulletin), la Haute juridiction a été amenée à considérer que manque à son devoir de conseil un architecte et un bureau d’étude qui, même si le maître de l’ouvrage ne justifie pas avoir informé- les concepteurs de leur souhait de faire circuler des charges lourdes à l’intérieur de l’ouvrage, auraient dû, « compte tenu des caractéristiques et du mode d’exploitation de l’ouvrage », émettre des préconisations sur le sujet des charges roulantes.

A bon entendeur …

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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