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Responsabilité des diagnostiqueurs, avoir de bons yeux ne suffit pas…

A propos de : 

Cass, 3ème civ, 7 décembre 2023, n° 22-22.418 

Cass, 3ème civ, 21 décembre 2023, n° 22-19.369 

Si les deux arrêts qui ont été rendus par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation les 7 décembre 2023 (Cass, 3ème civ, 7 décembre 2023, n° 22-22.418) et 21 décembre 2023 (Cass, 3ème civ, 21 décembre 2023, n° 22-19.369) ne sont pas révolutionnaires en matière de responsabilité civile des diagnostiqueurs, ils sont néanmoins l’occasion de rappeler quelques principes essentiels. 

I – En premier lieu, s’agissant de l’appréciation de la faute : 

Il est constant que le diagnostiqueur ne peut voir sa responsabilité engagée s’il a réalisé sa mission conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur. 

Le principe a été très clairement rappelé dans un arrêt en date du 8 juillet 2015 (Cass, 3ème civ, 8 juillet 2015, n° 13-26.686) : 

« Mais attendu qu’il résulte de l’article L 271-4 du CCH que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque mentionné au 3° du deuxième alinéa du I de ce texte et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et qu’il se révèle erroné. » 

A ce titre, il est constant que le diagnostiqueur n’a pas l’obligation légale ou règlementaire de procéder à des sondages destructifs. 

Pour autant, quand bien même ne s’agit-il que de constats visuels, la jurisprudence s’attache à vérifier que le diagnostiqueur ne s’est pas limité à un simple contrôle visuel et qu’il a bien été procédé à des sondages ou vérifications non destructifs sur les parties visibles du bâtiment, afin de pouvoir conclure de façon suffisamment assurée, et donc sans émettre de réserve, à l’absence de contamination dans les parties non visibles. 

Ainsi donc, bien que réalisé dans les limites légales, réglementaires et contractuelles, le contrôle du diagnostiqueur se doit de présenter des garanties de moyens suffisantes au titre de la bonne exécution de sa mission. 

La charge de la preuve de la défaillance du diagnostiqueur incombe au demandeur (Cass, 3ème civ, 6 juillet 2011, n° 18-18.882 ; Cass, 3ème civ, 14 septembre 2017, n°16-21.942). 

C’est ainsi que le diagnostiqueur, en charge d’une mission complète de diagnostic, ne peut pas limiter son intervention à un contrôle visuel, ni à certaines parties de l’immeuble, de sorte qu’il lui incombe de procéder à une recherche systématique (Cass, 3ème civ, 3 janvier 2006, n° 05-14.380). 

« Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions soutenant que l’opérateur ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, tout en relevant que le diagnostiqueur s’était abstenu d’effectuer des sondages non destructifs, notamment sonores, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, dès lors qu’il n’avait effectué de repérage que dans les parties visibles, il pouvait conclure à l’absence d’amiante dans les autres parties sans émettre de réserves, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; 

De façon désormais classique, la jurisprudence considère donc que le diagnostiqueur est tenu d’une obligation contractuelle de moyens accentuée dans l’accomplissement de sa mission (Cass, Ch. Mixte, 8 juillet 2015, n° 13-26.686), la Cour de cassation rappelant de façon constante que le contrôle du diagnostiqueur, notamment en matière de diagnostic amiante, ne doit pas être purement visuel et nécessite la mise en œuvre de vérifications sans pour autant impliquer des travaux destructifs : 

« Mais attendu, d’une part, qu’ayant exactement retenu que le contrôle auquel devait procéder le diagnostiqueur n’était pas purement visuel, mais qu’il lui appartenait d’effectuer les vérifications n’impliquant pas de travaux destructifs et constaté que la société A… n’avait pas testé la résistance des plaques, ni accédé au comble par la trappe en verre située dans le couloir, la cour d’appel a pu en déduire que cette société avait commis une faute dans l’accomplissement de sa mission » (Cass, 3ème civ, 21 mai 2014, n° 13-14.891). 

La jurisprudence est en définitive conforme au texte, puisque l’arrêté du 22 août 2022 prévoit une détection de visu sans travaux destructifs, en l’absence de doute, et à défaut la mise en œuvre d’un examen plus exhaustif, ce qui est repris, s’agissant du diagnostic amiante aux articles L 1334-13, R 1134-15, R 1134-18, R 1134-20 et R 1134-21 du code de la santé publique. 

Dans son arrêt en date du 7 décembre 2023 (Cass, 3ème civ, 7 décembre 2023, n° 22-22.418), la Cour de cassation a donc rappelé de façon synthétique ces différents principes, à savoir que : 

  • La mission de contrôle du diagnostiqueur est strictement limitée aux conduits et canalisations qui figurent dans la liste des composants de construction à vérifier et non au-delà : 

« Ayant exactement retenu que les conduits et canalisations extérieurs au bâtiment ne figuraient pas dans la liste des composants de construction à vérifier et constaté que le descriptif des éléments inspectés dans le rapport n’en faisait pas mention, elle a pu en déduire que le diagnostiqueur n’avait pas à émettre de réserves sur les canalisations enterrées du jardin, qui ne faisaient pas partie de sa mission de repérage, limitée à l’inspection du bâtiment. » 

  • La mission de contrôle du diagnostiqueur n’est pas limitée à un simple constat visuel, sans pour autant impliquer la réalisation de sondages destructifs : 

« La cour d’appel a retenu, à bon droit, (…) que le diagnostiqueur d’amiante ne peut se contenter de simples constats visuels mais doit mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission pour autant que les conduits et canalisations soient visibles et accessibles sans travaux destructifs. » 

  • La charge de la preuve de la défaillance du diagnostiqueur incombe au demandeur : 

« (…) elle a pu retenir, sans inverser la charge de la preuve (…) que M. V… échouait à établir que les canalisations traversant le jardin étaient visibles et pouvaient être inspectées sans travaux destructifs à la date de réalisation du diagnostic. » 

Attention toutefois au diagnostiqueur zélé, qui aurait entrepris de procéder au diagnostic de matériaux ne figurant pas dans la liste, puisque l’arrêt du 21 décembre 2023 précise alors, par dérogation au premier principe posé par l’arrêt du 7 décembre 2023, que : 

« Le diagnostiqueur, qui avait pris l’initiative d’un contrôle portant sur des éléments ne figurant pas dans la liste des points de contrôle obligatoire, devait, en application de l’annexe I de l’arrêté du 22 août 2022, signaler la présence d’amiante au niveau de la couverture du bâtiment principal, comme il l’avait fait pour celle de l’annexe, dont la composition était similaire, dès lors qu’il avait connaissance de la présence d’amiante en cet endroit. » 

II – En seconde lieu, s’agissant de la détermination du préjudice : 

Après avoir limité le préjudice indemnisable à la perte de chance d’avoir évité de prendre en charge tout ou partie des frais de désamiantage (Cass, 3ème civ, 20 mars 2013, n° 12-14.711), la Cour de cassation a retenu le principe d’une indemnisation intégrale (Cass, Ch. mixte, 8 juillet 2015, n° 13-26.686) : 

« la cour d’appel a déduit exactement de ces seuls motifs que les préjudices matériels et de jouissance subis par M. et Mme X… du fait de ce diagnostic erroné avaient un caractère certain et que la société MMA, assureur de la société HDI, leur devait sa garantie. » 

Le même principe a été adopté en présence de termites non signalée dans l’attestation destinée à informer les acquéreurs sur la présence de parasites, le préjudice étant ici encore considéré comme étant constitué et certain (Cass, 3ème civ, 15 octobre 2015, n° 14-18.077). 

Cette analyse est une nouvelle fois confirmée par l’arrêt rendu par la Haute juridiction le 21 décembre 2023 (Cass, 3ème civ, 21 décembre 2023, n° 22-19.369), la cour d’appel ayant pu, à bon droit, « retenir un lien de causalité direct entre la faute commise par ce dernier et le coût des travaux de désamiantage, dont elle a souverainement apprécié le montant. » 

La seule présence d’amiante ou d’un parasite non détecté à tort, caractérise donc pour l’acquéreur la certitude de son préjudice, correspondant au coût des travaux curatifs, dont l’indemnisation doit être alors intégrale. 

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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