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Quelques précisions sur la responsabilité de l’assistant à maitrise d’ouvrage (AMO)

Cass, 3ème civ, 13 avril 2023, n° 22-11.024

L’arrêt qui a été rendu par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation le 13 avril 2023 est d’un intérêt absolument certain, bien que non publié, en ce qu’il apporte un certain nombre de précisions sur la responsabilité décennale de l’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO), alors que les décisions de la Haute juridiction à ce sujet ne sont pas légion.

En l’espèce, dans le cadre de la construction d’un immeuble dans une station de ski des Pyrénées, un établissement public intercommunal avait conclu un contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage avec une société H…, dont la mission portait sur une approche qualité environnementale (HQE) au regard des tâches de « programmation générale de la zone balnéo », de « programmation technique et fonctionnelle de la zone balnéo », de « programmation technique et fonctionnelle de la zone piscine extérieure », de « programmation technique du chauffage ventilation » et de « veille technique sur les domaines spécifiques du clos couvert ».

Il n’était par contre confié à la société H… aucune mission de conception de l’ouvrage sur la partie de production d’eau chaude au moyen d’électricité d’énergie solaire notamment. 

Des dysfonctionnements affectant l’installation sanitaire d’eau chaude, le maître de l’ouvrage a engagé une procédure au fond, à la suite d’une expertise judiciaire.

La cour d’appel de Pau a alors retenu la responsabilité de l’assistant à maîtrise d’ouvrage, avec celle des locateurs d’ouvrage, en raison d’un « choix de matériel inadapté à son environnement sans mettre en garde le maître d’ouvrage sur son inadaptation au site, s’agissant d’une résidence occupée de façon saisonnière, avec des besoins les plus importants coïncidant à une période de moindre ensoleillement ».

Les juges d’appel ont alors considéré que la mission HQE de programmation, de conception et de suivi de réalisation des travaux, confiée à la société H…, impliquait nécessairement une mission de conseil sur l’adaptation de l’ouvrage à sa localisation, ce qui en l’espèce faisait défaut, alors par ailleurs que la qualité de constructeur devait être retenue au sens des dispositions de l’article 1792 du code civil, compte tenu de la mission confiée.

Au soutien du pourvoi en cassation, il était reproché à l’arrêt d’appel d’avoir investi l’assistant à maîtrise d’ouvrage d’une mission de conception et donc d’avoir ainsi dénaturé l’objet de son contrat.

Il était également soutenu que la mission d’AMO impliquait uniquement d’avoir à donner son avis sur l’incidence environnementale du projet, sans aucune mission de maîtrise d’œuvre ou de conception d’ouvrage, alors que par ailleurs un maître d’œuvre avait été sollicité, ainsi qu’un BET pour les études thermiques.

Le pourvoi est rejeté au motif que : « les dommages résultant pour l’essentiel du choix d’une technologie inadaptée à son environnement était imputable à la société H…, de sorte que cette dernière est tenue in solidum de réparer les préjudices matériels et immatériels du Syndicat des copropriétaires, avec les autres locateurs d’ouvrage, sur le fondement de la garantie décennale ».

De cette décision, quelques éléments de réflexion s’imposent de toute évidence.

  1. L’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) est fondée sur un contrat dont la rédaction est totalement libre, au terme duquel un maître de l’ouvrage sollicite les services d’un prestataire extérieur pour la réalisation des études nécessaires à l’exécution de son projet.

L’article 6 de la loi MOP (abrogé) indique à cet égard que : « le maître d’ouvrage peut recourir à l’intervention d’un conducteur d’opérations pour une assistance générale à caractère administratif et financier ».

En tant que tel, et dans le strict cadre de cette définition, l’assistant à maîtrise d’ouvrage doit donc se limiter à définir et piloter le projet du maître de l’ouvrage, dont l’exécution est assurée par le maître d’œuvre sur ces aspects purement techniques.

  1. En principe, l’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) n’est pas un constructeur au sens des dispositions de l’article 1792 du code civil et n’est donc pas soumis, en tant que tel, à l’obligation d’assurance RC décennale.

La responsabilité de l’AMO étant essentiellement recherchée au titre d’un manquement à son devoir de conseil et d’assistance à l’égard du maître de l’ouvrage, selon les termes de la mission qui lui est confiée, c’est la garantie responsabilité civile professionnelle (RCP) qui est alors sollicitée, étant précisé qu’elle n’est pas obligatoire.

  1. Pour autant, dans un arrêt rendu le 9 mars 2018 (CE, 9 mars 2018, 7ème, 2èmes Chambres réunies, n° 406205), le Conseil d’Etat a été amené à qualifier l’assistant à maîtrise d’ouvrage de constructeur compte tenu de la nature de la mission qui lui avait été confiée et qui allait au-delà d’une simple mission d’accompagnement administratif, juridique et financier.

À cet égard, l’arrêt du Conseil d’État du 9 mars 2018 a été commenté de façon très éclairante par la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans un arrêt du 24 juin 2021 (CA d’Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 24 juin 2021, n° 18-03814), au titre de travaux d’adaptation d’une salle d’eau d’un logement :

« La responsabilité de l’ A… ne saurait être retenue dans ces conditions en application des articles 1792 et suivants du code civil en qualité de constructeur ainsi que l’a décidé à tort le premier juge et qu’il est soutenu par la SA AXA sur le fondement d’un arrêt rendu par le Conseil d’État le 9 mars 2018, n° 406205, dans la mesure où si la Haute Juridiction a effectivement dans cette décision confirmé qu’un assistant à maîtrise d’ouvrage peut être qualifié de constructeur et que sa responsabilité décennale peut être engagée à ce titre, il s’agissait d’un cas tout à fait différent de celui dont est saisi la cour dans la mesure où, dans le cadre de la mission confiée l’assistant à maîtrise d’ouvrage assistait le maître de l’ouvrage de sa compétence technique, administrative et financière pour s’assurer de la bonne réalisation de l’opération et qu’à ce titre il avait qualité pour assister aux réunions de chantier et faire toute proposition au maître de l’ouvrage en vue du règlement à l’amiable des différends éventuels, le Conseil d’État ayant retenu que la mission comprenait également une mission de direction de l’exécution des travaux et d’assistance aux opérations de réception ».

Force est de constater qu’en prenant soin de rappeler, dans la motivation de sa décision, la nature exacte de la mission qui avait été confiée à la société H…, à savoir une mission « Haute Qualité Environnementale » de programmation, de conception et de suivi de réalisation des travaux, impliquant « une mission de conseil sur l’adaptation de l’ouvrage à sa localisation », la Cour de cassation a validé le fait que l’AMO s’était techniquement impliqué dans l’acte de construire, en définissant les travaux, dès lors que la mission qui lui avait été confiée impliquait un examen de leur faisabilité.

Et c’est ainsi que s’inscrivant dans la logique de l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 9 mars 2018, la Cour de cassation a validé le principe d’une mise en cause de la responsabilité de l’assistant à maîtrise d’ouvrage sur le fondement de la garantie RC décennale des constructeurs.

La décision apparait très rigoureuse, dès lors que, dans le cas qui nous intéresse, l’assistant à maîtrise d’ouvrage n’avait pas reçu de mission d’assistance aux réunions de chantier, pas plus que d’assistance à la réception.

Pour autant, au titre de la mission HQE, il lui avait bien été confié une mission de programmation, de conception et de suivi de réalisation des travaux, selon ce qui est retenu par l’arrêt, et c’est très clairement cela qui fait tout la différence.

Il en résulte donc qu’il est absolument nécessaire d’examiner, au cas par cas, la nature de la mission confiée par le maître de l’ouvrage à l’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO), de sorte que si la mission excède un simple accompagnement administratif, juridique et financier du maître de l’ouvrage, portant ainsi sa contribution à la partie technique du projet, notamment pour donner un avis sur l’adaptation de l’ouvrage à sa localisation, la qualification de constructeur peut toujours être retenue, avec toutes les conséquences qui en découlent.

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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