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La prise en compte des travaux supplémentaires dans les marchés à forfait

Dans le cadre d’un marché à forfait, l’entrepreneur est lié par le prix contractuellement prévu par application des dispositions de l’article 1793 du Code civil, dont il résulte que : « Lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main d’œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire. »

Ces dispositions ne concernent strictement que les travaux de construction d’un bâtiment, ou de démolition, ou bien encore de terrassement.

Une augmentation du prix du marché ne peut donc résulter que d’une commande de travaux supplémentaires par le maître d’ouvrage, impliquant nécessairement un accord préalable et écrit de sa part, portant tant sur le principe que sur le coût des prestations complémentaires qui lui seront alors facturées.

A cet égard, il est constant que l’entrepreneur ne peut se prévaloir de l’accord d’un tiers, sauf à rapporter la preuve de l’existence d’un mandat écrit qui lui aurait été délivré par le maître de l’ouvrage (Cass, 3ème civ, 24 mai 2006, n° 02-10.840), étant alors précisé que le mandat doit être nécessairement express (Cass, 3ème civ, 2 juin 2016, n° 15-16.673).

Bien entendu, l’accord du maître de l’ouvrage peut toujours intervenir postérieurement à la réalisation des travaux, pour autant et c’est essentiel qu’il soit dénué de toute équivoque.

A cet égard, la jurisprudence rappelle très régulièrement qu’il ne suffit pas à l’entrepreneur de prétendre que le maître de l’ouvrage avait parfaitement connaissance de la réalisation de travaux supplémentaires et auxquels il se serait abstenu de s’opposer à défaut d’accord préalable (Cass, 3ème civ, 2 mars 1994, n° 92-12.212).

Il reste néanmoins que le prix peut toujours être révisé lorsque l’importance des travaux supplémentaires qui ont été réalisés à l’initiative du maître de l’ouvrage emportent un bouleversement économique du contrat, ce qui s’entend habituellement comme étant une augmentation significative du volume des travaux ou de leur nature ayant des conséquences financières importantes, analysées comme étant une augmentation de l’ordre de 25 % du montant du marché par référence à la norme AFNOR NFP 03-001.

A cet égard, l’assiette des travaux à prendre en compte n’est pas uniquement constitué par les travaux du marché initial, mais également par les travaux supplémentaires qui ont été validés par le maître de l’ouvrage en cours de chantier (Cass, 3ème civ, 2 juillet 2002, n° 99-21.656). 

Par ailleurs, il ne saurait y avoir de bouleversement économique du contrat lorsque la réalisation des travaux supplémentaires et le coût qui en découle résulte d’une imprévision de l’entrepreneur, d’un tiers ou de circonstances extérieures.

C’est ce que la Cour de cassation a encore très clairement rappelé dans un arrêt rendu le 19 janvier 2017 (Cass, 3ème civ, 19 janvier 2017, n° 15-20.846) : « A légalement justifié sa décision la cour d’appel qui a écarté la demande de l’entrepreneur de voir écarter le caractère forfaitaire du contrat en retenant qu’il n’était pas démontré qu’il y eut, à la demande du maître de l’ouvrage, un bouleversement de l’économie du contrat. Viole les dispositions de l’article 1382 du Code civil la cour d’appel qui rejette l’appel en garantie de l’entrepreneur à l’égard du bureau d’études au titre d’une erreur dans les métrés alors que le caractère forfaitaire d’un marché ne peut exonérer de son obligation de réparer le préjudice, le tiers au contrat d’entreprise dont l’erreur commise dans son étude a conduit l’entrepreneur à établir un devis sous-évalué. »

Dans cette décision, la Cour de cassation ne manque pas de préciser que, nonobstant l’absence de bouleversement dans l’économie du contrat, l’entrepreneur bénéficie toujours de la possibilité d’un recours à l’encontre du tiers dont les manquements ont pu contribuer à son erreur dans l’évaluation des travaux à réaliser, et l’on pense alors tout naturellement au maître d’œuvre.

Il est enfin à signaler que la réforme du droit des contrats qui est entrée en vigueur pour les marchés conclus à compter du 1er octobre 2016, prévoit en son article 1195 que l’entrepreneur, qui n’a pas expressément déclaré en assumer le risque, peut solliciter judiciairement la révision du prix en cas de circonstances imprévisibles ou rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse, sans pour autant qu’il soit justifié d’un bouleversement de l’économie du contrat.

La porte est ainsi ouverte à un rééquilibrage plus équitable des relations contractuelles entre les parties dans le cadre des marchés à forfait.

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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