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La médiation : une solution alternative pour le règlement des conflits de voisinage nés d’un projet de construction

Commentaire de la Loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 et CAA Versailles 14 mars 2019 n° 16VE02590

Propriétaire d’un grand terrain dans un quartier résidentiel, Monsieur X. souhaite y faire construire une annexe indépendante de sa maison d’habitation qu’il entend réserver à la location saisonnière. Il a obtenu à cette fin un permis de construire qu’il a régulièrement affiché sur sa propriété.

En prenant connaissance de ce projet, les voisins de Monsieur X., Monsieur et Madame P., constatent que cette extension entraînera une perte d’ensoleillement conséquente dans leur pièce de vie principale.

Monsieur et Madame P. s’interrogent sur l’opportunité d’un recours contentieux. Une analyse détaillée des stratégies envisageables et des risques encourus conduira néanmoins Monsieur et Madame P. à privilégier un processus de médiation plus susceptible de préserver les relations de voisinage pour le futur.

I – Les procédures contentieuses ont une portée limitée

Les autorisations de construire font l’objet d’un contentieux abondant devant le juge administratif et le juge judiciaire.

Les pouvoirs limités des juridictions privent néanmoins ces recours de toute leur efficience et il convient de bien orienter les justiciables en fonction des moyens susceptibles d’être développés devant le juge. Les requérants pourraient en effet se trouver exposés à des condamnations reconventionnelles s’il apparait que leur recours était voué à l’échec. Les chances de succès des actions judiciaires susceptibles d’être engagées doivent par conséquent être analysées avec une grande rigueur. 

A. Le recours administratif contre le permis de construire : une procédure rapide mais limitée dans son objet avec un risque de condamnation reconventionnelle

Avant tout commencement des travaux de construction, Monsieur et Madame P. peuvent introduire un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, assorti le cas échéant d’une requête en référé suspension, afin de contester la légalité du permis de construire.

Même s’il n’y est pas obligé, le bénéficiaire du permis de construire suspend le plus souvent ses travaux à ce stade afin de prévenir les conséquences d’une éventuelle perte de son autorisation de construire. L’efficacité du recours est ainsi garantie puisque l’ouvrage ne sera pas édifié tant que le juge ne s’est pas prononcé.

L’examen du juge administratif se limite toutefois aux seuls moyens tirés de la violation des dispositions d’urbanisme, à l’exclusion des éventuels manquements aux règles et servitudes de droit privé en application des dispositions de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme (v. CAA Bordeaux, 31 août 2018, 16BX01694).

Monsieur et Madame P. ne pourront par conséquent recourir à la saisine du tribunal administratif que s’ils identifient une ou plusieurs illégalités externes ou internes de l’acte administratif.

A défaut, l’introduction d’un recours pour excès de pouvoir les exposerait à une condamnation indemnitaire à titre reconventionnel, l’efficacité de ce dispositif qui sanctionne les recours abusifs ayant été renforcée depuis l’entrée en vigueur de la loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018[i].

Ces dispositions ont d’ores et déjà reçu application devant la Cour administrative d’appel de Versailles dans un arrêt en date du 14 mars 2019 (CAA Versailles, 14 mars 2019, n° 16VE02590). Certes, la Cour a rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle mais elle reconnait implicitement le caractère abusif du recours en exigeant la démonstration d’un « préjudice [pour le requérant] en relation directe et certaine avec le comportement abusif ».

La saisine du Tribunal administratif, si elle permettait d’empêcher le commencement des travaux de construction, ne semble par conséquent pas adaptée à la situation de Monsieur et Madame P. qui ne se plaignent d’aucune violation du Code de l’urbanisme et risquent de s’exposer à une demande indemnitaire reconventionnelle.

B. La requête pour trouble anormal de voisinage : une procédure a posteriori et un objet exclusivement indemnitaire

Monsieur et Madame P. peuvent également engager une action devant le tribunal de grande instance sur le fondement de la théorie civiliste des troubles anormaux de voisinage, compte tenu de la perte d’ensoleillement importante qui devra résulter de la construction de Monsieur X.    

L’action pour trouble anormal de voisinage est une action en responsabilité reposant sur la démonstration d’un préjudice direct, personnel et certain. Monsieur et Madame P. devront par conséquent attendre de pouvoir objectiver la perte d’ensoleillement alléguée pour agir, c’est à dire qu’ils devront laisser Monsieur X. construire son extension pour démontrer a posteriori l’existence d’un préjudice dont ils solliciteront réparation. L’action procédurale perd ainsi tout intérêt, la construction étant déjà en place lorsque le juge judiciaire est saisi.

La Cour de cassation juge par ailleurs que la perte d’ensoleillement ne constitue pas un trouble excessif de voisinage au regard de ce à quoi un propriétaire peut normalement s’attendre dans un milieu urbain (Cass. 3ème civ., 29 septembre 2015, n° 14-16729). Cette voie de recours n’aboutira donc probablement pas favorablement pour Monsieur et Madame P. qui vivent dans un quartier résidentiel, s’ils allèguent seulement une perte d’ensoleillement.

A noter à ce titre que le législateur a récemment modifié les conditions de recevabilité d’une action pour des troubles anormaux de voisinage puisque la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 dispose que : « Lorsque la demande […] est relative à un conflit de voisinage, la saisine du tribunal de grande instance doit, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation, telle que définie à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, ou d’une tentative de procédure participative […]. »

La médiation qui apparaît ainsi comme un préalable obligatoire aux côtés de la conciliation et la procédure participative apparaît en effet particulièrement adaptée pour la résolution du litige en l’espèce.

II – Le processus de médiation mené en amont des travaux facilite un accord sur des adaptations mineures du projet

Une fois l’accord des parties obtenu sur le principe d’une médiation, l’organisation du processus peut soit être demandée au juge des référés du Tribunal de grande instance, soit être mise en place de façon spontanée par les parties. Le recours à la plate-forme madecision.com peut être une aide pour le choix d’un médiateur compétent dans la matière concernée contribuant ainsi à une meilleure compréhension des problématiques en cause et un aboutissement plus rapide du processus.

A. L’efficience du processus est garantie par sa rapidité et sa durée limitée

L’introduction du processus de médiation ne prend que quelques heures une fois l’accord des parties obtenu sur son principe. La principale contrainte consiste alors à réunir les parties et le médiateur pour la tenue des réunions. La plate-forme madecision.com a choisi de répondre à cette problématique en permettant l’organisation simplifiée de visioconférences, sans réunion présentielle, réduisant ainsi les coûts de déplacement et de location d’une salle.

La médiation doit en tout état de cause se dérouler dans un délai de 3 mois à compter de la désignation du médiateur, délai qui peut être renouvelé une fois mais ne peut en principe dépasser 6 mois ce qui implique une importante réactivité des parties. Les délais de la médiation pourront naturellement être adaptés aux situations et être réduits si les circonstances l’imposent ou prolongés si une observation de plusieurs mois doit être envisagée.

La mise en place du processus de médiation suppose enfin la suspension de toutes les démarches susceptibles d’empêcher l’aboutissement amiable du processus. Il en résulte que dans l’hypothèse de Monsieur X. les travaux de construction devront être suspendus pendant tout le temps de la discussion.

Le choix d’un processus de médiation ne remettra donc pas en cause le projet de construction de Monsieur X. pour une trop longue durée – ce qui aurait pu se passer devant le juge administratif -, tout en offrant des garanties à Monsieur et Madame P. sur l’utilité et l’efficience des discussions.

B. L’intérêt d’une discussion plus large pour la recherche d’une solution

Le processus de médiation conduit les parties à se concentrer sur leurs intérêts, leurs valeurs et besoins par opposition aux positions intangibles qu’ils auraient pu adopter dans une procédure contentieuse.

Le médiateur s’intéressera ainsi aux raisons qui ont poussé Monsieur X. à privilégier une implantation de son annexe plutôt qu’une autre et il interrogera Monsieur et Madame P. sur les besoins qui auraient pu les conduire à s’opposer à ce projet de construction. En discutant ainsi, le médiateur a pu découvrir en l’espèce que Monsieur X. ne s’était tout simplement pas soucié du lieu d’implantation de son bâtiment et il a pu le déplacer de quelques mètres sans conséquence pour son projet. De leur côté, Monsieur et Madame P. ont reconnu être fortement intéressés par la location de ce nouveau logement pour accueillir leur famille à l’occasion de périodes de vacances. Monsieur et Madame P. ont même pu autoriser Monsieur X. à utiliser leur chemin d’accès pendant la durée des travaux à la condition que ces derniers soient organisés en leur absence, pendant les vacances estivales.

Les relations de voisinage ayant été ainsi préservées, Monsieur X. est régulièrement sollicité par ses voisins qui lui louent le studio lorsqu’ils accueillent de la famille.

Grâce à une discussion ouverte orientée sur les intérêts des parties, ces solutions qui n’auraient jamais pu être proposées devant le juge ont été définies au cours de 5 heures de réunions plénières et/ou individuelles et retranscrites par les avocats des parties dans les termes d’une transaction amiable.

Si le législateur a parfaitement compris que les parties trouveront un intérêt à recourir à la médiation dans les litiges de voisinage, reste aujourd’hui aux professionnels du droit de s’en emparer et d’y avoir recours afin d’apporter des solutions pérennes à des conflits du quotidien parfois très difficiles à vivre.

[i] Un tel risque de condamnation indemnitaire existait dans le corpus législatif depuis le 19 août 2013, l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme prescrivant alors : « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. ».  La double démonstration du caractère excessif de l’exercice du droit de se défendre et d’un préjudice excessif pour le bénéficiaire du permis de construire, n’était cependant jamais établie à l’appui des demandes indemnitaires éventuelles et très peu de juridictions acceptaient de retenir le caractère abusif du recours.Depuis le 1er janvier 2019, le texte de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme prévoit que « lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire […] est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander […] au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts »

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