Cass, 2me civ, 28 mai 2025, n°23-20.477 ; 23-20.485 ; 23-24.031
Cass, 3ème civ, 28 mai 2025, n°23-22.392
Le principe de réparation intégrale du préjudice implique que le responsable du dommage indemnise l’intégralité du préjudice, sans qu’il en résulte pour la victime ni appauvrissement, ni enrichissement (Cass, 3ème civ, 20 avril 2017, n°16-13.603 ; Cass, 3ème civ, 9 juillet 2020, n°19-18.954 ; Cass, 3ème civ, 21 novembre 2024, n°23-13.989 ; Cass, 3ème civ, 27 mars 2012, n°11-11.798).
Encore récemment, la cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que ce principe trouvait à s’appliquer en matière de garantie des vices cachés (Cass, 3ème civ, 28 mai 2025, n°23-16.299).
« Vu l’article 1645 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
5. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués en réparation des dommages dont est responsable le vendeur qui connaissait les vices de la chose doivent réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour l’acquéreur ni perte ni profit. »
Il en résulte que le juge, qui est saisi d’une demande d’indemnisation, se doit de prendre en compte l’intégralité des dommages qui découlent du sinistre, ce qui vaut notamment lorsqu’il est nécessaire de souscrire une assurance dommages ouvrage ou de recourir à une maîtrise d’œuvre pour la réalisation des travaux réparatoires (Cass, 3ème civ, 4 février 2016, n°14-11.878 ; Cass, 3ème civ, 21 janvier 2021, n°19-16.434 ; Cass, 3ème civ, 7 novembre 2024, n°23-12.315, Publié au bulletin).
Dans un arrêt rendu le 21 novembre 2024, la Haute juridiction a encore précisé que l’indemnisation du maître de l’ouvrage pouvait impliquer que le constructeur soit tenu d’indemniser le coût induit par la réalisation d’ouvrages non prévus à son marché (Cass, 3ème civ, 21 novembre 2024, n°23-13.989).
En application du principe de réparation intégrale, le responsable d’un dommage ne peut pas en effet utilement prétendre que, saisi d’un recours indemnitaire, il ne saurait être tenu qu’au paiement des travaux de reprise qui sont directement en lien avec l’objet de son marché.
Il s’entend que lorsque le dommage est caractérisé en son principe il doit être indemnisé.
Par deux arrêts rendus le 28 mai 2025, la cour de cassation a en effet rappelé la stricte obligation du juge de procéder à l’indemnisation d’un dommage dont il a reconnu le principe, sur le fondement des dispositions de l’article 4 du code civil.
Dans le cadre du premier arrêt (Cass, 3ème civ, 28 mai 2025, n°23-22.392, une cour d’appel avait rejeté la demande d’indemnisation d’un copropriétaire en réparation de son trouble de jouissance consécutif à des infiltrations constatées dans son appartement, au motif que l’expert judiciaire n’avait pas retenu de préjudice à ce titre, le bien étant habitable nonobstant le désagrément entrainé par les désordres.
Et la cour de cassation de sanctionner les juges d’appel, au motif que :
« En statuant ainsi, par des motifs dont il résultait que le maître de l’ouvrage subissait un préjudice dans la jouissance de son bien, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. »
Dans le cadre du deuxième arrêt (Cass, 2ème civ, 28 mai 2025, n°23-20.477 ; 23-20.485 ; 23-24.031), la deuxième chambre civile a très clairement rappelé que :
« En statuant ainsi, en refusant d’évaluer le montant d’un dommage dont elle avait constaté l’existence en son principe, puisque l’incendie qui avait détruit totalement les locaux et les meubles s’y trouvant était établi, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Cette décision est rigoureusement conforme à la jurisprudence habituelle de la cour de cassation, qui ne cesse de rappeler que le juge ne peut refuser d’évaluer le montant d’un dommage dont il constate l’existence en son principe (Cass, 3ème civ, 7 novembre 2024, n°21-15.748 ; Cass, 3ème civ, 7 novembre 2024, n°23-12.315, Publié au bulletin ; Cass, 3ème civ, 3 avril 2025, n°23-18.568, Publié au bulletin).
Il reste que cet arrêt présente un intérêt certain à la lumière de la jurisprudence relative au caractère probatoire des rapports d’expertise amiable contradictoires ou non.
Il est en effet très habituellement rappelé par la Haute juridiction que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d’une seule partie, peu important qu’elle l’ait été en présence des parties (Cass, 3ème civ, 13 septembre 2018, n°17-20.099 ; Cass, 3ème civ, 16 janvier 2025, n°23-15.877 ; Cass, 3ème civ, 30 janvier 2025, n°23-15.414).
Tout l’intérêt de l’arrêt rendu le 28 mai 2025 consiste à rappeler que cette circonstance ne doit pas nécessairement justifier une décision de débouté, le juge se devant de rouvrir éventuellement les débats pour s’expliquer sur le préjudice indemnisable, dès lors que le principe même de l’existence d’un dommage a été reconnu et s’évince des circonstances du dossier.
En l’espèce, dans le cadre d’une affaire de sinistre incendie, une cour d’appel avait débouté de leurs demandes un assureur multirisque habitation, au titre de son recours subrogatoire, et les assurés au titre de leur découvert de garantie, au motif que :
« 14. Il constate que l’assureur verse aux débats une expertise amiable contradictoire mais ajoute que la demande de condamnation à une indemnisation formée à l’encontre du responsable du sinistre ne saurait reposer uniquement sur un tel rapport qui ne serait pas corroboré par d’autres éléments de preuve du préjudice des assurés. »
Et c’est tout précisément sur le fondement du principe de réparation intégrale que l’arrêt d’appel a été cassé, dès lors que :
« 18. En statuant ainsi, en refusant d’évaluer le montant d’un dommage dont elle avait constaté l’existence en son principe, puisque l’incendie qui avait détruit totalement les locaux et les meubles s’y trouvant était établi, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Dès lors, en l’absence de rapport d’expertise judiciaire au soutien d’un recours indemnitaire, il peut être toujours prudent de rappeler le principe posé par l’article 4 du code civil au soutien d’une demande d’expertise judiciaire présentée à titre subsidiaire, afin de faire échec à un rejet qui pourrait être fondé sur les dispositions de l’article 146 du code de procédure civile, dans le cadre d’une procédure au fond.