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Le traitement des fins de non-recevoir dans la réforme de la procédure civile

  • Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018 – 2022 et de réforme pour la justice
  • Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile
  • Décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 relatif à la procédure accélérée au fond devant les juridictions administratives

I – LA COMPETENCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT ETENDUE AUX FINS DE NON-RECEVOIR :

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 maintient pour l’essentiel le dispositif qui existait déjà s’agissant des attributions du juge de la mise en état, à qui l’article 780 du code de procédure civile confie la mission de « contrôler » la procédure.

Pour autant, le juge de la mise en état est désormais compétent pour connaître des fins de non-recevoir énoncées de façon non exhaustive à l’article 122 du code de procédure civile, ce qui constitue une évolution très sensible de la compétence qui lui était antérieurement dévolue pour connaître des exceptions et incidents visés à l’article 771, 1 à 4 du code de procédure civile.

Jusqu’alors en effet, la compétence du juge de la mise en état, en matière d’incidents, était circonscrite à toutes les exceptions de procédure et à tous les incidents mettant fin à l’instance, c’est-à-dire tous les incidents susceptibles d’entraîner l’extinction de l’instance.

Les incidents mettant fin à l’instance, visés par le deuxième alinéa de l’article 771 du code de procédure civile, étaient ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du code de procédure civile (transaction, acquiescement, péremption, caducité, désistement, décès d’une partie) et n’incluaient donc pas les fins de non-recevoir tendant à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond.

Ainsi donc, le juge de la mise en état a désormais compétence pour connaître des exceptions d’irrecevabilité pour cause de défaut de droit à agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt ou bien encore la prescription et la chose jugée.

L’article 789 du code de procédure civile indique très clairement que les parties ne sont plus recevables à soulever une fin de non-recevoir après le dessaisissement du juge de la mise en état, à moins qu’elle ne survienne ou soit révélée postérieurement.

Second point important, l’article 794 du code de procédure civile dispose que si les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée, il en va différemment de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l’instance et sur les questions de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l’article 789 du code de procédure civile.

Car en effet, la difficulté majeure de cette réforme tient au fait qu’il est bien souvent difficile de statuer sur une fin de non-recevoir sans connaître du fond du droit.

Tel est notamment le cas lorsqu’est soulevée une prescription ou une forclusion du délai d’épreuve de la garantie décennale ou du délai d’action dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement, par application des dispositions de l’article 1642-1 du code civil.

Le moyen ne peut pas être tranché sans avoir préalablement statué sur la date de la réception ou de la livraison des ouvrages, ce qui ne relève bien évidemment pas de la compétence du juge de la mise en état.

Dans ce cas, l’article 789-6° du code de procédure civile, qui remplace l’ancien article 771 du code de procédure civile, dispose que le juge de la mise en état doit statuer sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir, sauf si l’affaire ne relève pas de la compétence du juge unique « ou qui ne lui sont pas attribuées » … et qu’une partie s’y soit alors expressément opposée.

La vigilance doit donc être de mise et l’avocat se doit d’être réactif, d’une part pour solliciter (systématiquement ?) la collégialité dès la distribution de l’affaire et s’opposer à ce que le juge de la mise en état, saisi d’une fin de non-recevoir, statue également sur le fond pour en connaître.

Dans ce cas, le juge de la mise en état doit renvoyer l’affaire devant la formation de jugement, « le cas échéant sans clore l’instruction », pour qu’elle statue sur la question de fond et la fin de non-recevoir.

Dans tous les cas, qu’il s’agisse du juge de la mise en état ou de la juridiction de jugement, il doit être statué par des dispositions parfaitement distinctes sur la fin de non-recevoir et sur le fond du droit dans le dispositif de la décision.

Il est donc à craindre que ces dispositions complexifient et ralentissent considérablement la mise en état des affaires, alors que la juridiction de jugement conserve la possibilité de renvoyer le dossier devant le juge de la mise en état pour que les parties poursuivent l’échange de leurs écritures … et que l’article 795 du code de procédure civile dispose que la décision qui statue sur une fin de non-recevoir peut-être frappée d’appel dans les quinze jours de sa signification …

II – LES FINS DE NON-RECEVOIR EXCLUES DE LA PROCEDURE PARTICIPATIVE AUX FINS DE MISE EN ETAT :

La réforme donne aux avocats la possibilité de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état, leur permettant d’administrer eux même la mise en état du dossier.

L’article 776 du code de procédure civile dispose que :

« Sous réserve des dispositions de l’article 1108, au jour de l’audience d’orientation, l’affaire est appelée devant le président de la chambre saisie ou à laquelle l’affaire a été distribuée. « Celui-ci confère de l’état de la cause avec les avocats présents en leur demandant notamment s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état dans les conditions du titre II du livre V. »

L’article 777 du code de procédure civile dispose alors que le président peut, soit procéder à la désignation du juge de la mise en état, soit à la demande des parties signataires de la convention participative aux fins de mise en état, fixer la date de clôture et la date de plaidoirie.

Ceci étant, il ne saurait être que déconseillé de souscrire à la procédure participative aux fins de mise en état, qui apparait en réalité une procédure morte née, dès lors que l’article 13 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 dispose expressément que : « La signature d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état vaut renonciation de chaque partie à se prévaloir d’une fin de non-recevoir, de toute exception de procédure et des dispositions de l’article 47 du présent code, à l’exception de celles qui surviennent ou sont révélées postérieurement à la signature de la convention de procédure participative. »

Ce serait une pure folie pour le conseil d’une partie que d’accepter en défense la régularisation d’une convention de procédure participative dès l’audience d’orientation, en renonçant par avance (et pour quelle raison légitime ?) à se prévaloir notamment d’une fin de non-recevoir ou d’une exception de procédure.

L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions et si malgré les meilleures intentions du monde on s’y prend comme un manche, on court inexorablement au désastre …

L’adage apparaît ici confirmé.

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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