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Le quasi-ouvrage est bel et bien mort !

Cass, 3ème civ, 10 juillet 2025, n°23-22.242

Par un arrêt rendu le 10 juillet 2025 (Cass, 3ème civ, 10 juillet 2025, n°23-22.242), la Cour de cassation a confirmé la mise à mort de la notion de quasi ouvrage au sujet d’une pompe à chaleur installée sur un ouvrage existant, en rejetant par substitution de motif un pourvoi en cassation formé à l’encontre d’un arrêt rendu par la cour d’appel d’Angers le 12 septembre 2023 (Cour d’appel d’Angers, 12 septembre 2023, chambre A civile, n°18/02417) qui avait débouté les maîtres de l’ouvrage de leur demande d’indemnisation à l’encontre de l’assureur RC décennale du constructeur placé en liquidation judiciaire.

On se souvient que l’ordonnance n°2005.658 du 8 juin 2005 a établi une liste d’ouvrages et d’équipements exclus du régime de l’assurance RC décennale obligatoire.

S’agissant des éléments d’équipement adjoints à une construction existante, il a alors été expressément indiqué que l’impropriété à destination de l’ouvrage provoquée par leur dysfonctionnement, ne pouvait pas donner lieu à la mobilisation de la garantie décennale des constructeurs.

Sur ce, les dommages occasionnés par un élément d’équipement adjoint à un ouvrage existant avaient vocation à être indemnisés par l’assureur RC décennale, s’agissant des dommages causés aux travaux réalisés par l’assuré, au titre de la garantie RC décennale obligatoire, et par l’assureur RC professionnelle s’agissant des dommages causés aux existants avec le concours de la garantie des dommages aux existants lorsqu’elle avait été souscrite, s’agissant d’une garantie facultative.

Ce dispositif législatif, qui avait été mis en place en 2005 par réaction à la jurisprudence dite Chirinian (Cass, 1ère civ, 29 avril 2000, n°97-19.143, Publié au bulletin) faisait sens, puisqu’il était destiné à équilibrer la charge des risques pour les assureurs entre les branches RC et construction, dans le cadre d’une régulation économique de la sinistralité.

La Cour de cassation a brutalement rompu cet équilibre par un arrêt en date du 15 juin 2017 (Cass, 3ème civ, 15 juin 2017, n°16-19.640), qui a fait couler beaucoup d’encre, en décidant que « les désordres affectant les éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination. »

La notion de quasi ouvrage a alors pris naissance sous la paternité de notre confrère Cyrille Charbonneau (Cyrille Charbonneau : L’avènement des quasi-ouvrages, RDI 2017, p.409).

Malgré les vives critiques qui ont été exprimées par la doctrine, la Haute juridiction a confirmé sa position par un arrêt significatif en date du 26 octobre 2017 (Cass, 3ème civ, 26 octobre 2017, n°16-18.120) et il lui aura fallu attendre sept ans pour qu’elle comprenne l’incongruité d’une situation qui était grossièrement contra legem.

Puis, par un arrêt en date du 21 mars 2024 (Cass, 3ème civ, 21 mars 2024, n°22-18.694, Publié au bulletin), la Cour de cassation a reconsidéré de façon fracassante sa jurisprudence au visa des articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du code civil, en indiquant que :

« Pour condamner in solidum la société L’UNIVERS DE LA CHEMINEE et la société AXA sur le fondement de la garantie décennale, l’arrêt énonce que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, puis retient que le désordre affectant l’insert de cheminée a causé un incendie ayant intégralement détruit l’habitation.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Et la Cour de cassation devait alors déclarer, par ce qui s’apparente formellement à un arrêt de règlement, qu’il convenait désormais de dire que (sic) :

« Si les éléments d’équipement installés en replacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumis à l’assurance obligatoire des constructeurs. »

Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt en date du 10 juillet 2025, la cour d’appel d’Angers avait débouté les maîtres de l’ouvrage de leurs demandes dirigées à l’encontre de l’assureur RC décennale, au motif que s’agissant de la pose d’un nouvel équipement sur un ouvrage existant, il n’avait été réalisé que de très modestes travaux sur le bâti, de sorte que l’installation de la pompe à chaleur ne pouvait pas constituer un ouvrage au sens des dispositions de l’article 1792 du code civil.

Saisie d’un pourvoi, et au terme d’une motivation habile, la Cour de cassation a procédé par substitution de motif, afin de le rejeter, en rappelant expressément les termes de l’arrêt devenu de principe du 21 mars 2024, qui est au-demeurant cité, et en indiquant que :

« La cour d’appel a retenu que, s’agissant de la pose d’un nouvel équipement sur un ouvrage existant ne nécessitant que de très modestes travaux sur le bâti, l’installation de la pompe à chaleur ne constituait pas un ouvrage, de sorte que les désordres dénoncés ne pouvaient relever de la garantie décennale.

Par ce moyen de pur droit, suggéré par la défense, et substitué au motif critiqué, dans les conditions prévues par l’article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, l’arrêt se trouve légalement justifié. »

Le quasi ouvrage est dont bien définitivement terrassé par son propre créateur et la chose est d’autant plus acquise que l’arrêt ne fait pas les honneurs de la publication. 

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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