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La perte du recours subrogatoire de l’assureur du fait de l’instruction d’une déclaration de sinistre dommages ouvrage tardive n’emporte pas la déchéance de garantie de l’assure sur le fondement de l’exception de subrogation 

Cass, 3ème civ, 25 mai 2023, n° 22-13.410, publié au Bulletin 

M.C et Mme D sont propriétaires d’une maison d’habitation qui a été réceptionnée le 30 juin 2003. 

Etant bénéficiaires d’une assurance dommages ouvrage, M.C et Mme D ont régularisé une déclaration de sinistre le 24 juin 2013 auprès des MMA au titre de désordres de fissurations et de décollements de carrelage, de dysfonctionnements de menuiseries extérieures et de défauts d’étanchéité. 

Les MMA ayant mandaté un expert technique, un rapport d’expertise préliminaire a été déposé le 14 août 2013, complété par un autre rapport d’expertise du 3 février 2014. 

Le 5 février 2014, les MMA ont notifié une offre d’indemnisation au titre des désordres dont le caractère décennal n’était pas contesté. 

En définitive, M.C et Mme D ont sollicité une expertise judiciaire. 

Après le dépôt du rapport d’expertise en juillet 2016, M.C et Mme D ont assigné au fond pour demander la condamnation des MMA au titre de la garantie dommages ouvrage à les indemniser de leurs préjudices. 

Par un arrêt en date du 1er décembre 2021, la cour d’appel de Montpellier a confirmé le jugement qui lui était déféré, notamment sur le fait que l’assureur dommages ouvrage n’avait pas été mis dans l’impossibilité d’exercer ses recours du fait de la tardiveté de la déclaration de sinistre.  

Pour en décider ainsi, la cour d’appel avait considéré qu’en l’état d’une garantie dommage ouvrage qui expirait le 30 juin 2013, les consorts C et D ayant déclaré leur sinistre avant l’expiration de ladite garantie, soit le 24 juin 2013, les MMA ne démontraient pas que le maître d’ouvrage avait laissé s’éteindre ses actions en responsabilité contre l’entreprise L pour la pose du carrelage ; La disparition de cette entreprise n’étant pas du fait des consorts C et D et n’empêchait pas le recours subrogatoire de l’assureur, ce alors de surcroît que les MMA s’étaient abstenues d’appeler à la cause l’assureur de la société L, à savoir la MAAF. 

Le pourvoi en cassation est rejeté par l’arrêt publié du 25 mai 2023, au motif que : 

« La cour d’appel, qui a relevé que le maître de l’ouvrage avait déclaré le sinistre à l’assureur dommages ouvrage le 24 juin 2013, soit avant l’expiration du délai de dix ans ayant couru à compter de la date de réception tacite du 8 septembre 2003, a constaté que le rapport préliminaire de l’assureur dommages ouvrage, remis le 14 août 2013, avait été suivi d’un second rapport du 3 février 2014 et d’une proposition d’indemnisation du 5 février 2014. » 

« Ayant ainsi fait ressortir que, le délai de garantie décennale était alors expiré, l’impossibilité du recours subrogatoire était due aux seuls délais d’instruction de la déclaration de sinistre prévus à l’article L 242-1 du code des assurances, elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à d’autres recherches, que les assureurs ne démontraient pas avoir été privés de leur recours subrogatoire du fait des assurés. 

« Elle a ainsi légalement justifié sa décision ».  

  1. Il sera donc rappelé qu’en application de l’article L 242-1 du code des assurances, le propriétaire de l’ouvrage qui fait réaliser des travaux de construction doit souscrire une assurance garantissant, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens des dispositions de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du code civil. 

Il s’agit de l’assurance dommages ouvrage. 

L’assureur dommages ouvrage doit donc garantir les désordres de nature physique décennale affectant l’ouvrage, c’est-à-dire ceux qui remettent en cause sa solidité ou qui l’affectant dans un élément constitutif ou d’équipement le rendent impropre à sa destination et qui sont survenus dans le délai de 10 ans à compter de la réception. 

Par application des dispositions de l’article L 114-1 du code des assurances, l’assureur dommages ouvrage doit indemniser les désordres décennaux survenus avant l’expiration du délai d’épreuve de la garantie, même s’ils ont été portés à la connaissance de l’assuré ultérieurement, dans le délai maximum théorique de 2 ans à compter de la fin du délai d’épreuve. 

L’assuré dispose en effet d’un délai de 2 ans, à compter de la connaissance du désordre, pour régulariser une déclaration de sinistre dommages ouvrages, au titre d’un désordre survenu dans le délai d’épreuve de la garantie décennale.  

Dans la mesure où l’assureur dommages ouvrage doit préfinancer les travaux de réparation sans en supporter la charge finale, l’article L 121-12 du code des assurances dispose qu’ayant payé l’indemnité d’assurance, il est subrogé jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur. 

  1. Au terme de l’article L 121-2 alinéa 2 du code des assurances, l’assureur dommages ouvrage peut-être déchargé, en tout ou en partie, de sa garantie envers l’assuré, lorsque la subrogation ne peut plus, par le fait de l’assuré, s’opérer en faveur de l’assureur. 

Dès lors, pour que l’assureur puisse se prévaloir d’une déchéance de garantie du fait qu’il ait été privé de son recours subrogatoire, il se doit nécessairement d’établir la preuve de l’existence d’une faute qui soit imputable à l’assuré. 

La faute de l’assuré constitue en effet une condition de la déchéance de son droit à indemnisation, la sanction prévue à l’article L 121-12 alinéa 2 du code des assurances s’analysant alors en une déchéance du droit de l’assuré à son indemnité. 

Il en résulte que la simple constatation d’un fait non fautif de l’assuré, de nature à priver l’assureur de son recours subrogatoire, ne saurait constituer une circonstance légitime pour le déchoir de son droit à indemnisation (Cass, 3ème civ, 17 décembre 2020, n° 18-24.103 ; 18-24.915, Publié au Bulletin). 

  1. La faute de l’assuré peut bien évidemment résulter de la régularisation d’une déclaration de sinistre au-delà du délai d’épreuve de la garantie décennale, alors que le sinistre était connu bien antérieurement et qu’aucune diligence n’a été entreprise par le maître de l’ouvrage, de sorte que l’assureur se retrouve dans l’impossibilité d’exercer ses recours subrogatoires à l’encontre des constructeurs et de leurs assureurs (Cour d’appel de Rennes, 4ème Chambre, 24 février 2022, n° 20-00619). 

Les décisions de la Cour de cassation sont peu nombreuses à consacrer la déchéance de garantie de l’assuré pour avoir fautivement privé l’assureur dommages ouvrage de la possibilité d’exercer ses recours subrogatoires (Cass, 3ème civ, 25 mai 2022, n° 21-18.518 ; Cass, 3ème civ, 8 février 2018, n° 17-10.010). 

A cet égard, dans le cadre de son arrêt en date du 25 mai 2023, la Haute juridiction ne manque pas de relever qu’en l’espèce la déclaration de sinistre dommages ouvrage avait été régularisée avant l’expiration du délai de dix ans ayant couru à compter de la date de réception tacite. 

La faute était donc à rechercher dans le délai extrêmement bref qui avait été laissé à l’assureur dommages ouvrage pour se retourner, soit 6 jours avant l’expiration du délai d’épreuve de la garantie décennale, alors qu’il lui fallait instruire la déclaration de sinistre qui lui avait été notifiée par le maître de l’ouvrage. 

  1. Tout l’intérêt de l’arrêt tient au fait qu’il est considéré que la difficulté rencontrée par l’assureur dommages ouvrage pour exercer ses recours subrogatoires ne procède pas du caractère tardif de la déclaration de sinistre, mais des délais légaux d’instruction prévus à l’article L 242-1 du code des assurances. 

A cet égard, il sera rappelé que la régularisation d’une déclaration de sinistre dommages ouvrage est un préalable obligatoire à la saisine du juge des référés pour solliciter la mise en œuvre d’une expertise judiciaire. 

La jurisprudence ne distingue pas entre sinistre nouveau et aggravation d’un sinistre ancien déclaré, de sorte qu’à défaut de nouvelle déclaration de sinistre, la demande d’expertise judiciaire pour de nouveaux désordres doit être déclarée irrecevable lorsqu’elle est présentée à l’encontre de l’assureur dommages ouvrage (Cass, 3ème civ, 14 mars 2012, n° 11-10.961). 

Sur ce, la Haute juridiction considère que la mise en œuvre de la procédure amiable dommages ouvrage, en ce qu’elle constitue un préalable obligatoire, ne peut-être imputée à faute au maître d’ouvrage. 

Dont acte, mais ni l’arrêt d’appel du 1er décembre 2021, ni l’arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2023, n’apportent d’indication précise sur la date à laquelle les désordres étaient apparus et donc sur le point de savoir si les maîtres de l’ouvrage n’avaient pas lourdement tardé à régulariser leur déclaration de sinistre dommages ouvrage à quelques jours du terme du délai d’épreuve de la garantie. 

  1.  Ceci étant, aussi contraint soit-t-il par le temps, à réception d’une déclaration de sinistre à quelques jours de l’expiration du délai d’épreuve de la garantie décennale, l’assureur dommages ouvrage se doit alors d’assigner en référé expertise les constructeurs et leurs assureurs, dans le cadre d’une action ante subrogatoire, afin de préserver ses recours. 

Il est en effet constant que l’assignation en référé expertise délivrée par l’assureur dommages ouvrage interrompt le délai de forclusion décennale à l’égard des constructeurs et de leurs assureurs, bien qu’il n’ait pas eu, au moment de la délivrance de son assignation, la qualité de subrogé dans les droits de son assuré, dès lors qu’il a payé l’indemnité due à celui-ci avant que le juge du fond n’ait statué (Cass, 3ème civ, 14 janvier 2021, n° 19-21.358). 

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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