Cass, 3ème civ, 18 septembre 2025, n°24-13.288, Publié au bulletin
Le droit des baux commerciaux prévoit que le montant du loyer des baux qui sont renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative, qui est déterminée selon plusieurs critères qui sont énoncés à l’article L 145-33 du code de commerce et au nombre desquels figurent les facteurs locaux de commercialité.
Le mécanisme du déplafonnement du loyer renouvelé est posé par l’article L 145-34 du code de commerce qui dispose notamment que : « En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L 145-33 (…), la variation du loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente. »
La notion de facteurs locaux de commercialité est précisée à l’article R 145-6 du code de commerce, qui énonce que :
« Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire. »
S’il est entendu que le déplafonnement du loyer renouvelé n’est possible qu’en cas de modification matérielle notable des facteurs locaux de commercialité entainant par elle-même une variation de la valeur locative de plus de 10%, la loi ne précise pas si l’incidence favorable qui est susceptible d’en résulter pour le preneur doit s’apprécier au regard du commerce stricto sensu qui est exploité dans le local commercial ou, de façon beaucoup plus élargie, à l’activité commerciale dont la nature est exercée par le locataire.
A cet égard, la jurisprudence a très généralement considéré que la modification des facteurs locaux de commercialité devait avoir une influence favorable « sur le commerce considéré » exploité dans le local commercial.
C’est ainsi que dans un arrêt rendu le 7 avril 2004 (Cass, 3ème civ, 7 avril 2004, n°02-17.946), la Cour de cassation a indiqué : « Qu’en statuant ainsi, sans recercher, au besoin d’office, si les modifications retenues présentaient un intérêt pour l’activité exercée dans les lieux par le preneur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
Encore, par un arrêt en date du 21 janvier 2014 (Cass, 3ème civ, 21 janvier 2014, n°12-25.241), la Cour de cassation confirmait son approche in concreto, que l’on pourrait qualifier de micro économique, en indiquant : « Qu’il y avait eu entre le 1er janvier 2004 et le 25 octobre 2007 une modification matérielle, locale et exceptionnelle des facteurs locaux de commercialité par la restructuration et la réhabilitation de l’hyper centre-ville, mais que celle-ci n’avait pas eu d’effet sur l’activité considérée… »
Dans plusieurs arrêts, la cour d’appel de Paris s’est elle-même inscrite dans cette analyse, en recherchant, y compris d’office, si la modification des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré s’était avérée favorable à l’activité commerciale exercée par le preneur (Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 3, 22 juin 2022, n°19/18800 ; Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 3, 22 mai 2025, n°21/07077).
C’est en définitive une tout autre analyse qui a été retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 18 septembre 2025, procédant ainsi à un notable revirement de jurisprudence.
En l’espèce, il était reproché à la cour d’appel de Paris (Cour d’appel de Paris, 25 janvier 2024, n°20/14692) d’avoir fixé le montant du loyer commercial renouvelé à la valeur locative , sans qu’il soit justifié d’une incidence favorable sur l’activité commerciale exercée par le preneur, dont il était soutenu qu’elle était inexistante, au motif qu’il était suffisant que la modification notable des facteurs locaux de commercialité soit de nature à avoir une incidence sur l’activité commerciale exercée par le preneur.
Le pourvoi est rejeté par l’arrêt du 18 septembre 2025, destiné à la publication, dès lors que :
« Il résulte des articles L 145-34 et R 145-6 du code de commerce que la modification notable des facteurs locaux de commercialité constitue un motif de déplafonnement du prix du bail renouvelé si elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l’activité commerciale effectivement exercée par le locataire, indépendamment de son incidence effective et réelle sur le commerce exploité dans les locaux. »