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Erreur de diagnostic énergétique et responsabilité du diagnostiqueur

Cass, 3ème civ, 23 octobre 2025, n°23-18.771

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) et l’audit énergétique prescrits par les articles L 271-4 et L 226-28-I du code de la construction et de l’habitation n’ont qu’une valeur informative dans les rapports entre acquéreur et vendeur.

À cet égard, l’article L 271-4 du code de la construction et de l’habitation dispose que l’acquéreur ne peut se prévaloir, à l’encontre du propriétaire du bien, des recommandations accompagnant le diagnostic de performance énergétique qui n’ont qu’une valeur indicative.

De façon constante, la jurisprudence confirme que le diagnostic de performance énergétique, qui est un document obligatoire lors de la vente d’un bien immobilier, n’est pour autant destiné qu’à informer l’acquéreur sur la consommation énergétique du bien et ses émissions de gaz à effet de serre, de sorte que ses seules inexactitudes ne sauraient suffire à engager la responsabilité du vendeur, sauf dans des circonstances tout à fait particulières (CA Lyon, 1ère chambre civile b, 7 mars 2023, n°20-04200 ; CA Rouen, 1ère civ, 7 juillet 2021, n°18-05378). 

Il en va ainsi lorsque la responsabilité du vendeur peut être recherchée sur le fondement des dispositions de l’article 1792-1 du code civil, en sa qualité de vendeur constructeur, s’il est établi que les défauts d’isolation thermique constatés ne permettent l’utilisation de l’ouvrage qu’à un coût exorbitant (Cass, 3ème civ, 23 octobre 2025, n°23-18.771).

Tel est également le cas lorsque la responsabilité du vendeur peut être recherchée sur le fondement d’un manquement à son obligation de délivrance conforme, dès lors que le niveau de performance énergétique constaté ne correspond pas à un engagement contractuel spécifique (CA Orléans, chambre civile, 16 septembre 2019, n°18-01109 ; CA Paris, pôle 4 chambre 1, 21 février 2025, n°22-19288).

Par contre, lorsque le diagnostic de performance énergétique est erroné, la responsabilité du diagnostiqueur peut être engagée sur le fondement de la responsabilité délictuelle à l’égard de l’acquéreur, pour manquement à son obligation d’information et de conseil.

Dans un arrêt rendu le 5 mars 2019, la cour d’appel de Bordeaux a ainsi indiqué que : « La responsabilité du diagnostiqueur, contractuelle vis-à-vis du vendeur, est susceptible d’être engagée sur le fondement délictuel à l’égard du tiers acquéreur si celui-ci justifie d’un préjudice résultant d’un manquement du diagnostiqueur à ses obligations contractuelles. » (CA Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 5 mars 2019, n°16-04761).

Cette analyse est rappelée de façon constante par la jurisprudence (CA Pau, 1ère chambre, 18 mars 2025, n°23-01760 ; CA Douai, chambre 1 section 1, 19 juin 2025, n°22-02444 ; CA Toulouse, 1ère chambre section 1, 2 juillet 2024, n°20-02834).

La faute commise par le diagnostiqueur ouvre alors droit, au profit de l’acquéreur, à la réparation de sa seule perte de chance de négocier un meilleur prix ou d’éviter l’achat (CA Paris, pôle 4 chambre 1, 21 février 2025, n°22-19288).

Par un arrêt publié en date du 21 novembre 2019 et confirmé par un autre arrêt en date du 17 octobre 2024, la Cour de cassation a en effet très clairement posé le principe selon lequel le préjudice indemnisable doit être limité à la perte de chance de négocier le prix d’achat en raison de la valeur informative du diagnostic de performance énergétique (Cass, 3ème civ, 21 novembre 2019, n°18-23.251, Publié au bulletin ; Cass, 3ème civ, 17 octobre 2024, n°22-22.882 ; CA Pau, 1ère chambre ,18 mars 2025, n°23-01760 ; CA Douai, chambre 1 section 1,19 juin 2025, n°22-02444).

Déjà, par un arrêt en date du 20 mars 2013, la Cour de cassation avait précisé que les conséquences d’un manquement du diagnostiqueur à son devoir de conseil et d’information ne pouvait s’analyser qu’en une perte de chance, dès lors qu’il n’est pas certain que, mieux informé, le créancier de l’obligation d’information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse (Cass, 1ère civ, 20 mars 2013, n°12-14.711 ; 12-14.712).

Dans son arrêt rendu le 21 février 2025, la cour d’appel de Paris a par ailleurs précisé, ce qui est essentiel, qu’aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée, au profit de l’acquéreur, entre le vendeur et le diagnostiqueur, dans la mesure ils n’ont pas contribué conjointement à la réalisation d’un même dommage.

Si le vendeur est en effet tenu au titre du principe de réparation intégrale, le diagnostiqueur, pour sa part, n’est redevable que d’un préjudice lié à une perte de chance. Le seul préjudice indemnisable est donc celui de la perte de chance, de sorte que la réparation ne peut être mesurée qu’à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée (CA Pau, 1ère chambre, 13 mai 2025, n°23/03280).

Sur ce, dans la mesure où le préjudice qui en résulte pour les acquéreurs ne peut être qu’une perte de chance d’avoir mieux négocié le bien acheté, il ne saurait y avoir de condamnation des vendeurs, tenues à réparation de l’intégralité des préjudices résultant de l’éventuelle inexécution de leurs obligations de délivrance conforme, in solidum avec le diagnostiqueur ou son assureur, seulement tenue de réparer un préjudice de perte de chance.

Et la cour d’appel de Rennes d’indiquer, dans un arrêt en date du 31 janvier 2023, que : « Le préjudice causé par un diagnostic de performance énergétique erroné ne peut qu’être une perte de chance pour l’acquéreur d’avoir mieux négocié le bien acheté. Il est donc inutile de prévoir dans la mission d’expert le chiffrage des éventuels travaux propres à remédier au défaut d’isolation de la maison et des préjudices découlant de ce désordre. » (CA Rennes, 1ère chambre, 31 janvier 2023, n°22/02024).

Il convient donc de distinguer clairement la responsabilité du vendeur de celle du diagnostiqueur, dès lors que le diagnostiqueur n’est pas coauteur d’un même dommage avec le vendeur.

Il en résulte donc que le préjudice indemnisable subi par les acquéreurs, du fait d’une information erronée imputable au diagnostiqueur, ne peut consister dans le coût des travaux de reprise de l’isolation, ni dans la surconsommation de chauffage, mais uniquement dans la perte de chance de négocier une réduction du prix de vente (CA Lyon, 1ère chambre civile b, 7 mars 2023, n°20-04200 ; CA Grenoble, 2ème chambre, 24 septembre 2024, n°23-00971).

En l’espèce, pour casser l’arrêt d’appel par sa décision du 23 octobre 2025, la Cour de cassation prend soin de rappeler que le principe de la réparation intégrale du préjudice, qui découle de l’article 1240 du code civil, implique que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

Or, les vendeurs ayant été condamnés à indemniser les acquéreurs du coût de la réfection complète de l’isolation thermique et des dommages immatériels consécutifs, il ne pouvait pas être justifié de l’existence, pour les acquéreurs, de la perte d’une éventualité favorable du fait de l’impossibilité, dans laquelle ils s’étaient trouvés du fait du manquement du diagnostiqueur, de négocier le prix à la baisse :

« 14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si la perte d’une éventualité favorable pour les acquéreurs, qu’elle imputait au diagnostiqueur, était certaine, en l’état de la réfection complète de l’isolation thermique et de la réparation des dommages immatériels subséquents auxquelles elle venait de condamner le vendeur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. » 

En décider autrement aurait nécessairement conduit les acquéreurs à profiter d’un enrichissement sans cause.

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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