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En l’absence de contrat de sous-traitance le constructeur ne répond pas du fait dommageable d’autrui qu’il sollicite 

Cass, 3ème civ, 13 avril 2023, n° 21-24.985, publié 

Pour les nécessités des travaux de gros œuvre qui lui avaient été confiés, une entreprise s’est trouvée contrainte de procéder à la location d’une grue de chantier, avec une prestation de montage et de démontage. 

Lors des opérations de démontage de la grue, un accident est survenu, entraînant des dommages à un bâtiment situé à l’entrée du chantier, du fait du grutier. 

L’entreprise de gros œuvre a alors été recherchée par le maître de l’ouvrage, qui estimait ne pas avoir été suffisamment indemnisé par son propre assureur TRC, de sorte qu’il n’était pas en mesure de procéder aux travaux de remise en état du bâtiment endommagé. 

Par son arrêt en date du 13 avril 2023, la Cour de cassation a mis hors de cause l’entreprise de gros œuvre, au motif qu’elle n’avait pas commis de faute dans l’exécution de son marché au regard des travaux qui lui avaient été confiés. 

Cette décision est intéressante, en ce qu’elle rappelle des principes essentiels qui sont déjà bien connus. 

  • En premier lieu, le contrat de location de matériel doit être distingué du contrat de sous-traitance, dont la définition est posée par l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 : la sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître d’ouvrage. 

Le contrat de location est pour sa part définit à l’article 1709 du code civil, comme étant un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige à lui payer. 

Quel que soit la qualification juridique retenue par les parties, dès lors qu’un prestataire se contente de mettre un matériel à la disposition d’une entreprise titulaire d’un marché de travaux, afin de lui permettre d’exécuter les prestations contractuellement prévues, il ne peut pas être qualifié de sous-traitant. 

Dans un arrêt rendu le 23 janvier 2002 (Cass, 3ème civ, 23 janvier 2002, n° 00-17.759, publié), la Cour de cassation a ainsi très clairement indiqué que : « En se limitant à la mise à disposition de matériel adapté pour permettre au constructeur de remplir sa tâche, le contrat ne pouvait être regardé comme un contrat d’entreprise mais comme un contrat de louage de chose ». 

Si l’analyse apparait assez simple dans cette configuration, la distinction est beaucoup plus délicate à opérer lorsque la location du matériel s’accompagne d’une prestation de conduite, de montage ou de démontage de la chose louée. 

Il peut être alors tendant d’analyser chaque situation au regard du degré d’indépendance du prestataire, afin de déterminer l’existence ou non d’un contrat de sous-traitance, c’est-à-dire un contrat d’entreprise, dont la définition n’est finalement pas très éloignée du contrat de louage de choses avec une prestation de service. 

A cet égard, la jurisprudence tend à retenir comme critère de distinction beaucoup plus objectif la participation directe du prestataire à l’acte de construire, ainsi que le caractère provisoire de la présence du matériel sur le chantier. 

Dans son arrêt en date du 23 janvier 2002 (Cass, 3ème civ, 23 janvier 2002, n° 00-17.759, publié), la Cour de cassation avait d’ailleurs relevé que le loueur d’un échafaudage « ne participait pas directement par apport de conception, d’industrie ou de matière à l’acte de construire objet du marché principal ». 

Si elle ne le dit pas expressément dans son arrêt rendu le 13 avril 2023, la Cour de cassation semble retenir implicitement cette analyse pour écarter toute relation de sous-traitance, alors qu’au soutien du pourvoi il était indiqué qu’à l’égard du maître de l’ouvrage, l’entrepreneur répond des dommages causés par les prestataires qu’il fait intervenir sur le chantier pour les besoins de l’exécution de son marché, peu important la qualification juridique de ces interventions. 

Sur ce, il s’entend qu’il est nécessaire de vérifier, dans chaque affaire, si l’offre du prestataire ne fait pas partie intégrante des pièces contractuelles du marché de travaux principal, puisque dans ce cas il pourrait être considéré que le recours au loueur participe directement par apport de matière ou d’industrie à l’acte de construire, ce qui caractériserait alors une relation de sous-traitance (Cour d’appel de Paris, pôle 5, ch. 5, 16 février 2017, n° 14-02.503). 

L’enjeu du débat est d’importance, dans la mesure où, indépendamment du risque de mise en cause de la responsabilité de l’entreprise principale du fait des dommages causés par le loueur, en l’absence de contrat de sous-traitance le maître de l’ouvrage et l’entreprise principale se trouvent dégagées des contraintes particulièrement contraignantes qui découlent des dispositions d’ordre public de la loi du 31 décembre 1975, relative à la sous-traitance (obligation d’agrément, garantie de paiement du sous-traitant ou paiement direct …), avec les sanctions qui en découlent (sanctions pénales, action directe du sous-traitant sur le fondement de l’article 14-1, responsabilité personnelle du gérant sur le fondement de la faute civile détachable). 

  • En second lieu, l’arrêt du 13 avril 2023 rappelle clairement le principe selon lequel il n’existe pas de responsabilité du fait d’autrui lorsque le dommage causé est sans rapport avec l’objet du marché principal, étant à cet égard précisé que : « En l’absence de relation de sous-traitance avec la société E., elle n’avait pas à répondre d’un dommage imputable à celle-ci, de sorte que sa responsabilité contractuelle ne pouvait pas être retenue ». 

Dans le cas contraire, il est constant que le sous-traitant est redevable, à l’égard de l’entreprise principale, d’une obligation contractuelle de résultat qui lui impose de réaliser des travaux qui soient exempts de désordre, de malfaçon ou de non-conformité. 

Sur ce, en présence d’un dommage détachable de l’objet du marché de travaux principal, il incombe au maître d’ouvrage d’engager une action directe à l’encontre du loueur, en rapportant la preuve de l’existence d’une faute en application des dispositions de l’article 1240 du code civil. 

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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