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Bail commercial et suspension du paiement des loyers

Cass, 3ème civ, 18 septembre 2025, n°23-24.005, Publié au bulletin

Le paiement du loyer constitue une obligation essentielle du locataire commercial, dont l’inexécution peut d’ailleurs entraîner la résiliation du bail.

Il reste que l’obligation de délivrance du bailleur est tout aussi essentielle.

A ce titre, en applications des articles 1719 et 1723 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature même du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant toute la durée du bail (Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 3, 22 mai 2025, n°21/09927).

L’exception d’inexécution, qui relève des principes généraux du droit des contrats, permet à une des parties de suspendre l’exécution de son obligation tant que l’autre partie n’exécute pas la sienne.

Sur ce point, l’article 1220 du code civil, qui est issu de la réforme du droit des contrats qui a été opérée par l’ordonnance du 10 février 2016, dispose que : « Une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais. ».

En matière de bail commercial, la possibilité pour le preneur de suspendre le paiement de ses loyers du fait de l’inexécution du bailleur à ses obligations contractuelles essentielles a toujours été strictement encadrée.

La jurisprudence conditionne en effet la mise en œuvre de l’exception d’inexécution à l’existence d’un manquement du bailleur qui soit suffisamment grave pour priver le locataire de la jouissance effective de son local commercial.

C’est ainsi que dans un arrêt en date du 26 novembre 2015, la cour d’appel de Rennes a indiqué que (Cour d’appel de Rennes, 26 novembre 2015, n°15/01231) :

« Le bailleur ne peut par le biais d’une telle clause relative à l’exécution de travaux, s’affranchir de son obligation de délivrer les lieux loués. Toutefois si le manquement du bailleur à son obligation de délivrance ouvre au locataire le droit d’agir en exception d’inexécution, seule l’impossibilité absolue du locataire d’utiliser les lieux loués conformément aux stipulations du bail, permet au locataire d’obtenir en référé une suspension du paiement des loyers. »

Très classiquement, la jurisprudence a donc toujours conditionné la suspension du paiement des loyers par la preuve de l’impossibilité absolue d’exploiter les locaux commerciaux donnés à bail (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 3-4, 31 octobre 2024, n°24/02830).

Dans un arrêt en date du 2 mai 2017, la cour d’appel de Montpellier a tout aussi clairement indiqué que (Cour d’appel de Montpellier, 1ère chambre C, 2 mai 2017, n°15/01516) :

« Le locataire ne démontre pas une impossibilité totale d’utiliser les lieux loués, ni même une situation d’insalubrité grave nécessairement imputable à un défaut d’entretien du bailleur. »

Il en résulte donc que la simple gêne dans l’exploitation du local commercial donné à bail ne peut suffire à justifier la suspension du paiement des loyers sur le fondement de l’exception d’inexécution.

Par son arrêt en date du 18 septembre 2025, destiné à la publication, la Cour de cassation vient préciser, ce qui n’avait jamais été aussi clairement indiqué, que le locataire à bail commercial peut toujours se prévaloir d’une exception d’inexécution pour refuser, à compter du jour où les locaux sont, en raison du manquement du bailleur à ses obligations, impropres à l’usage auquel ils sont destinés, d’exécuter son obligation de paiement des loyers sans être tenu de délivrer une mise en demeure préalable.

Il est vrai que l’article 1220 du code civil n’exige nullement la délivrance préalable d’une mise en demeure au bailleur pour que l’exception d’inexécution soit mise en œuvre par le preneur.

Ceci étant précisé, il reste absolument constant, ce que rappelle encore la Cour de cassation, que la suspension du paiement des loyers commerciaux ne peut être entendue qu’en présence d’une défaillance fautive du bailleur ayant eu pour conséquence de rendre les locaux « impropre à l’usage auquel ils sont destinés. » 

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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