Cass, 3ème civ, 23 octobre 2025, n°22-20.146
La réception d’un ouvrage, qu’elle soit amiable ou judiciaire, est régie par l’article 1792-6 du code civil, qui dispose que : « La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. […] »
Il en résulte donc que la réception peut être prononcée judiciairement, à la demande de la partie la plus diligente, lorsque l’ouvrage est en état d’être reçu, en l’absence d’accord amiable.
Le prononcé de la réception judiciaire n’est pas subordonné à la régularité administrative ou civile de la construction, mais à l’achèvement matériel de l’ouvrage, ayant pour objet de faire constater son achèvement et d’en transférer la garde au maître de l’ouvrage.
Par son arrêt rendu le 23 octobre 2025, la Cour de cassation rappelle que, dès lors qu’une partie de l’ouvrage doit être démolie et reconstruite pour cause d’empiètement sur la propriété d’autrui, il ne peut être considéré comme étant en état d’être reçu et ne peut donc pas faire l’objet d’une réception judiciaire, dont les conditions ne sont pas alors réunies.
Préalablement, la Cour de cassation avait pris soin de relever que les conditions d’une réception tacite n’étaient pas plus réunies, dès lors qu’il était fait état d’un solde de marché demeuré impayé de plus de 250.000,00 euros et que les maîtres de l’ouvrage avaient requis un huissier de justice, afin de constater des désordres et des inexécutions, avant de solliciter devant le juge des référés la désignation d’un expert judiciaire.
Il ne pouvait donc pas être considéré que la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir les travaux était en l’espèce établie.
S’agissant du refus de prononcer la réception judiciaire d’un ouvrage en présence d’un désordre à caractère décennal, du fait notamment d’un empiètement sur la propriété d’autrui, la position de la Cour de cassation n’est pas nouvelle.
Déjà, par un arrêt en date du 2 juin 1993 (Cass, 3ème civ, 2 juin 1993, n°91-13.407) la Cour de cassation avait écarté la possibilité d’une réception judiciaire, dès lors que l’ouvrage devait être démoli du fait de l’existence d’une demande de suppression d’un empiétement et de remise en état des lieux.
La Cour de cassation a confirmé sa position par un arrêt en date du 25 septembre 2012 (Cass, 3ème civ, 25 septembre 2012, n°11-19.718), en écartant la possibilité d’une réception judiciaire des ouvrages en présence d’une erreur d’implantation ayant conduit à l’empiétement de bâtiments sur une zone non constructible, devant entraîner leur démolition dès lors qu’aucune régularisation administrative n’était envisageable.
Si la réception judiciaire n’implique pas nécessairement l’existence d’une parfaite conformité aux règles d’urbanisme et aux principes constructifs, dès lors que l’ouvrage est en état d’être reçu, éventuellement avec des réserves, encore faut-il que le maître de l’ouvrage ne soit pas en présence d’un empiétement avéré et d’une obligation de démolition.
La Cour de cassation avait encore rappelé son analyse dans deux arrêts en date des 16 décembre 2014 (Cass, 3ème civ, 16 décembre 2014, n°13-24.032) et 10 juin 2021 (Cass, 3ème civ, 10 juin 2021, n°20-14.676), en indiquant que la réception judiciaire d’un ouvrage empiétant ne peut pas être prononcée, dès lors que la démolition doit être ordonnée.
C’est donc sans surprise que, dans son arrêt en date du 23 octobre 2025, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel en indiquant que :
« 9. En second lieu, ayant retenu qu’une partie de l’ouvrage devait être détruite pour être reconstruite, elle en a exactement déduit que, l’ouvrage n’étant pas en état d’être reçu, les conditions du prononcé d’une réception judiciaire n’étaient pas réunies. »
A toute fin, il sera rappelé que la réception, qu’elle soit amiable ou judiciaire, n’a pas pour effet de purger les vices affectant la propriété du sol ou la régularité de l’implantation de l’ouvrage. Le prononcé d’une réception, même sans réserve, ne fait bien évidemment pas obstacle à l’exercice d’une action en démolition fondée sur l’empiètement, ni à la condamnation du maître de l’ouvrage à remettre les lieux en état (Cour d’appel de Caen, 1ère chambre civile, 13 avril 2021, n°17/00674).