Cass, 3ème civ, 9 octobre 2025, n°23-20.446
Par un arrêt rendu le 9 octobre 2025, la Cour de cassation a rappelé que la reconnaissance de responsabilité par le constructeur, intervenue après la date d’entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, n’est pas interruptive du délai de forclusion décennale.
Cette décision s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence constante qui écarte tout effet interruptif de la reconnaissance de responsabilité sur le délai de forclusion de la garantie décennale.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation précise également que le principe doit trouver à s’appliquer quand bien même le délai de forclusion aurait-il commencé à courir avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.
Il sera rappelé qu’avant l’entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, la forclusion de la garantie décennale pouvait être interrompue par la reconnaissance, par le débiteur, du droit de celui contre lequel il prescrivait, ce que la jurisprudence avait amplement confirmé (Cass, 3ème civ, 4 décembre 1991, n°90-13.461, Publié au bulletin ; Cass, 3ème civ, 10 juillet 2002, n°01-02.243, Publié au bulletin ; Cass, 3ème civ, 23 octobre 2002, n°01-00.206, Publié au bulletin ; Cass, 3ème civ, 16 mars 1994, n°91-19.139).
La loi du 17 juin 2008 a toutefois introduit un article 2220 au code civil, indiquant que les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par les dispositions du chapitre I du titre XX, relatives aux prescriptions extinctives.
La distinction entre la prescription, qui éteint l’action en justice du fait de l’écoulement du temps, et la forclusion, qui prive le titulaire du droit d’agir passé un certain délai, sans possibilité d’interruption ou de suspension, sauf exceptions prévues par la loi, est absolument fondamentale.
En effet, si l’article 2240 du code civil dispose que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription, il en va différemment de la forclusion qui n’est pas concernée par ce texte par l’effet de l’article 2220 du code civil.
Il en résulte donc que, depuis l’entrée en vigueur de la loi, la reconnaissance, par le débiteur, du droit de celui contre lequel il prescrivait, n’interrompt pas le délai de forclusion décennale (Cass, 3ème civ, 10 juin 2021, n°20-16.837, Publié au bulletin).
En application de l’article 2241 du code civil, seule une demande en justice est de nature à interrompre la forclusion, quant bien même l’acte de saisine serait-il irrégulier (CA de Lyon, 8ème chambre, 7 décembre 2022, n°20/00904).
Il reste que l’apport essentiel de l’arrêt du 9 octobre 2025 est de préciser que l’absence d’interruption de la forclusion, du fait de la reconnaissance de responsabilité du constructeur, faut même si le délai a commencé à courir avant la date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, sans qu’il soit pour autant porté atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle, rappelé à l’article 2 du code civil.
Il est en effet constant que le principe de non-rétroactivité de la loi ne fait pas obstacle à son application immédiate aux situations juridiques établies avant sa promulgation, dès lors qu’elles n’ont pas été définitivement réalisées (Cass, chambre mixte, 13 mars 1981, n°80-125, Publie au bulletin ; CA de Versailles, 16ème chambre, 15 mars 2018, n°16/03967 ; CA de Reims, 5 juillet 2016, n°16/00770).