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La faute de la victime est de nature à réduire son droit à réparation

Cass, 3ème civ, 5 juin 2025, n°23-23.775, publié au Bulletin

Le principe de réparation intégrale du préjudice implique que le responsable du dommage indemnise l’intégralité du préjudice, sans qu’il en résulte pour la victime ni appauvrissement, ni enrichissement (Cass, 3ème civ, 21 novembre 2024, n°23-13.989).

Il n’est toutefois pas nouveau que, sur le fondement du régime de droit commun de la responsabilité, la faute de la victime soit de nature à entraîner l’exclusion ou la réduction de son droit à indemnisation.

C’est ainsi que la réparation due à la victime peut être diminuée ou refusée en raison de la faute par elle commise, qui a alors pour effet de réduire le montant de son indemnisation à due proportion de la gravité de la faute commise.

Dans un arrêt publié rendu le 5 juin 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à en confirmer le principe (Cass, 3ème civ, 5 juin 2025, n°23-23.775). 

Une entreprise avait été autorisée à exploiter, dans une ancienne carrière d’argile, une décharge destinée à recevoir le sulfate de fer provenant de la neutralisation des bains de décapage de bobines d’acier fabriquées dans ses ateliers. 

A la suite de la cessation de l’exploitation de la décharge, le préfet a ordonné la remise en état du site, ainsi que des mesures de réhabilitation.

Pour autant, se plaignant de la pollution ultérieure de ses parcelles et d’une rivière, un exploitant de bovins a sollicité la mise en œuvre de plusieurs expertises judiciaires, à l’issue desquelles une assignation au fond a été délivrée en réparation des dommages subis par les animaux.

En cause d’appel, il a été soutenu en défense un nécessaire partage de responsabilité du fait de la faute commise par l’exploitant, pour avoir maintenu le pâturage de son cheptel sur les parcelles polluées après 2004, date à laquelle il avait une connaissance objective de la contamination du fait des expertises judiciaires en cours.

Les juges d’appels ont toutefois refusé de limiter l’indemnisation du préjudice de l’exploitant, au motif qu’il n’avait pas l’obligation de limiter son préjudice dans l’intérêt du pollueur.

Saisi d’un pourvoi, la Cour de cassation a cassé l’arrêt au visa des dispositions de l’article 1240 du code civil, au motif que (Cass, 3ème civ, 5 juin 2025, n°23-23.775, publié au Bulletin) : 

« Si la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable, sa faute, lorsqu’elle a contribué à l’aggravation du dommage, diminue son droit à réparation. »

La décision rendue s’avère des plus intéressante en ce qu’elle est l’occasion de rappeler deux principes essentiels qui ne doivent pas être confondus, ce qui était tout précisément sanctionné en l’espèce.

En premier lieu, il est constant que l’auteur d’un dommage doit réparer toutes les conséquences qui en résultent et que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable, ce qui est au-demeurant encore rappelé dans l’arrêt du 5 juin 2025 (Cass, 1ère civ, 2 juillet 2014, n°13-17.599, publié au Bulletin ; Cass, 3ème civ, 10 juillet 2013, n°12-13.581 ; Cass, 3ème civ, 14 janvier 2021, n°16-11.055).

Il s’agit là de la stricte application du principe indemnitaire.

Il ne peut donc pas être utilement reproché à un maître de l’ouvrage de ne pas avoir eu recours à du chômage partiel, afin de réduire son préjudice immatériel dans l’intérêt du constructeur et de son assureur, tous deux tenus à une obligation de réparation.

De la même façon, un notaire dont la responsabilité est engagée du fait d’une rectification fiscale consécutive à l’inéligibilité d’une acquisition immobilière à un dispositif de réduction d’impôt sur ce revenu, ne peut utilement reprocher à l’acquéreur victime de ne pas avoir opté pour un autre dispositif de défiscalisation, afin de réduire les conséquences dommageables de sa faute.

Le fait est que la faute qui est alors reprochée à la victime est celle de n’avoir pas pris les dispositions nécessaires pour réduire le dommage indemnisable, dont le principe même est acquis.

Le dommage dont il est demandé réparation par la victime procède en effet de la seule faute de son auteur.

La situation est donc différente lorsque la victime, par un comportement fautif qui peut lui être objectivement imputé, a contribué à la réalisation de son dommage ou à son aggravation.

Sur ce, en second lieu, dès lors que la faute de la victime a contribué à la réalisation du dommage, même partiellement, ou à son aggravation, la jurisprudence considère alors qu’une réduction, voir une exclusion de son droit à indemnisation, peut-être être opérée.

Il s’entend alors que la demande d’indemnisation de la victime ne peut être rejetée que si sa faute a constitué la cause exclusive du dommage, puisqu’à défaut seule une réduction de son droit à indemnisation à concurrence de la faute commise peut être envisagée.

« Attendu que, pour rejeter la demande d’indemnisation des acquéreurs à l’encontre de la société GRT gaz et de la société Alpilles topographie, l’arrêt retient que les acquéreurs, maîtres de l’ouvrage, ne peuvent pas invoquer les fautes commises par ces sociétés, en raison de leur propre carence à effectuer la demande de renseignements prévue par le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991, laquelle est à l’origine de l’absence de vérification de l’implantation de la canalisation ;

Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à démontrer que la faute des acquéreurs, maîtres de l’ouvrage, avait été la cause exclusive du dommage résultant de l’empiétement de la construction, et à exonérer de toute responsabilité la société GRT gaz et la société Alpilles topographie, qui étaient intervenues dans l’élaboration des plans erronés quant à l’implantation de la canalisation de gaz remis aux acquéreurs lors de la vente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

A cet égard, chacune des fautes doit être appréciée au regard des autres, afin de pouvoir déterminer l’importance de la réduction du droit à indemnisation de la victime.

« Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la faute de la SCI n’était pas sans incidence sur celle du notaire de sorte que, celle-ci étant prépondérante elle absorbait celle du vendeur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

On ne peut donc qu’apprécier le caractère très pédagogique et la concision de la rédaction adoptée par la Haute juridiction dans son arrêt du 5 juin 2025.

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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