Un récent arrêt de la Cour de cassation en date du 29 novembre 2018 (Cass. Civ 3ième, 29 nov. 2018, n°17-22508) vient de remettre gout du jour la question de la nature juridique du chemin d’exploitation qui est à différencier du chemin rural.
Cet arrêt est l‘occasion de rappeler que les chemins d’exploitation ne sont pas (juridiquement) des chemins ruraux même si visuellement ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau.
1°) Les chemins ruraux :
Les chemins ruraux sont dans le giron des personnes publiques alors que les chemins d’exploitation relèvent de la propriété privée.
L’article L. 161-1 du code rural retient trois critères cumulatifs pour qualifier un chemin rural :
- 1 – La propriété publique : un chemin rural appartient nécessairement à la commune.
- 2 – L’affectation à l’usage du public : le chemin doit servir à tout le monde.
Cette affectation présume l’appartenance du chemin à la commune sur le territoire de laquelle il est situé (utilisation du chemin comme voie de passage, actes réitérés de surveillance ou de voirie de l’autorité municipale, inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée)
- 3 – L’absence de classement en voie communale : les chemins ruraux n’étant pas classés dans la catégorie des voies communales, ils peuvent donc faire l’objet d’une aliénation.
Les chemins ruraux sont soumis aux dispositions du code de la route et certains chemins ruraux sont inscrits au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée.
Il n’existe cependant pas d’obligation de les entretenir par la commune qui n’est pas dans la liste des dépenses communales obligatoires listées à l’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales.
En revanche, L. 161-5 du code rural charge le maire de la police et de la conservation des chemins ruraux.
2°) Les chemins d’exploitation :
En 2011, sur le fondement des dispositions de l’article 162-1 du code rural, la troisième chambre civile avait eu l’occasion de livrer une définition de principe du chemin d’exploitation.
Les chemins et sentiers d’exploitation sont « ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation ; qu’ils sont, en l’absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit, mais l’usage en est commun à tous les intéressés ; que l’usage de ces chemins peut être interdit au public (…) »
Avec l’arrêt de 2018, la Cour de cassation a censuré les juges d’appel en ces termes :
« Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande des consorts Y…, l’arrêt retient que l’interdiction au public prévue par l’article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime est subordonnée aux conditions de majorité prévues par l’article 815-3 du code civil et que les consorts Y… ne disposent pas à eux seuls de la majorité des deux tiers des riverains, ni ne peuvent se prévaloir d’un mandat tacite de ceux-ci ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’usage commun des chemins d’exploitation n’est pas régi par les règles de l’indivision et que chaque propriétaire riverain dispose du droit d’en interdire l’accès aux non-riverains, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »
Il est donc précisé – en toute logique – que les chemins d’exploitation ne sont pas soumis au régime juridique de l’indivision et qu’en conséquence l’accès peut être interdit par n’importe quel propriétaire (nécessairement riverain) à ceux qui ne sont pas riverains.
Ce « beau » principe procédant d’un parfait syllogisme peut en pratique être source de « belles » mésententes entre riverains, chacun d’eux pouvant en définitive en restreindre l’accès sans l’accord des autres.
Les chemins d’exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre les divers fonds ou à leur exploitation, et sont nécessairement situés en zone rurale.
Un chemin d’exploitation n’est pas nécessairement à usage agricole mais il a pour finalité de servir à la communication ou à l’exploitation de différents héritages en les longeant ou en y aboutissant.
A titre d’exemple, un chemin qui permet de relier deux voies publiques ne sert pas exclusivement à l’exploitation ou à la communication entre les différents fonds, et les riverains n’ont pas le droit d’en interdire l’usage au public comme ils auraient pu le faire s’ils en étaient propriétaires.