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Des modifications apportées au contentieux administratif par le Décret n° 2018-617 en date du 17 juillet 2018 portant modification du Code de justice administrative et du Code de l’urbanisme

En dépit de sa parution en pleine période estivale, le décret n° 2018-617 en date du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme ne sera pas passé inaperçu aux yeux des publicistes qu’il obligera à redoubler de vigilance dans le suivi des procédures contentieuses aussi bien en matière de référé suspension qu’en matière d’urbanisme.

Faisant suite au rapport « Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace » élaboré par le groupe de travail présidé par Christine Maugüé, conseillère d’Etat, le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 devrait atténuer sensiblement les freins à la construction et accélérer les procédures contentieuses en droit de l’urbanisme ce qui ne pourra que satisfaire les promoteurs et les maîtres d’ouvrage.

Les apports de ce décret tiennent en neuf points :

  • Introduction de l’obligation de confirmer le maintien d’une requête au fond en cas de rejet d’un référé suspension au motif qu’il n’est pas fait état d’un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision,
  • Prolongation de la suppression de l’appel pour certains contentieux de l’urbanisme jusqu’au 31 décembre 2022,
  • Renforcement des exigences quant au régime de la preuve de l’intérêt à agir de l’auteur d’un recours contre un permis de construire, l’auteur de la requête devant désormais justifier du caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien. Les associations devront accompagner leurs recours de la communication de leurs statuts et du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture,
  • Cristallisation des moyens dans les recours formés contre une autorisation d’urbanisme, passé un délai de deux mois à compter de la communication du premier mémoire en défense,
  • Obligation de mentionner la date d’affichage en mairie de l’avis de dépôt de la demande d’autorisation de construire au sein de la décision autorisant la construction,
  • Fixation du délai de jugement des recours introduits contre une autorisation d’urbanisme à dix (10) mois,
  • Modification du champ d’application de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme relatif à la notification de l’introduction d’un recours contentieux,
  • Limitation du délai de recours contentieux à l’encontre d’une construction achevée qui sera porté de un an à six (6) mois,
  • Codification de la possibilité d’obtenir une attestation de non recours.

Le texte est entré en vigueur dès le lendemain de sa publication au Journal officiel le 18 juillet 2018. Les dispositions de l’article R. 612-5-2 du code de justice administrative applicables au référé suspension de même que les articles R. 600-5 et R. 600-6 du code de l’urbanisme qui concernent respectivement la cristallisation des moyens et le délai de jugement ne s’appliqueront toutefois que pour les requêtes introduites à compter du 1er octobre 2018.

Les nouveaux articles R.424-5 et R.424-13 du code de l’urbanisme relatifs à la mention de la date d’affichage de la demande d’autorisation de construire dans l’arrêté portant autorisation, ainsi que l’article R. 600-7 de ce code portant création d’une attestation de non recours entreront en vigueur le 1er octobre 2018 et les articles R. 600-1, R. 600-3 et R. 600-4 du même code sur les conditions de recours contre une autorisation de construire, seront applicables aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018. 

Ces dispositions seront probablement complétées à l’occasion des discussions sur le projet de loi ELAN qui s’intéressera nécessairement au contentieux de l’urbanisme.

1. Obligation de confirmer le maintien d’un recours en annulation à l’encontre d’une autorisation de construire en cas de rejet du référé suspension.

Alors que la recevabilité d’une requête en référé suspension est subordonnée à l’introduction parallèle d’une requête au fond, le décret n° 2018-617 en date du 17 juillet 2018 introduit une nouvelle obligation à la charge du requérant en cas de rejet de la demande de suspension consistant dans l’obligation de confirmer le maintien de la requête au fond. A défaut, le requérant sera réputé s’être désisté d’office de sa requête en annulation, qui sera rejetée.

L’article 2 dudit décret crée ainsi un nouvel article R.612-5-2 du Code de justice administrative dont il ressort que :

« Art. R. 612-5-2.-En cas de rejet d’une demande de suspension présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 au motif qu’il n’est pas fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu’un pourvoi en cassation est exercé contre l’ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d’annulation ou de réformation dans un délai d’un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s’être désisté. 

« Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l’ordonnance de rejet mentionne qu’à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d’un mois, le requérant est réputé s’être désisté. »

Il conviendra de relever que l’obligation de confirmation ne s’imposera pas dans toutes les procédures mais elle devra être strictement mise en œuvre lorsque :

  • La demande de suspension aura été rejetée au motif qu’il n’est pas fait état d’un moyen sérieux propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision, en l’état de l’instruction,
  • L’ordonnance de référé suspension n’aura pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

L’obligation de confirmation de la requête au fond ne s’imposera donc pas si la requête a été rejetée en raison d’un défaut d’urgence, même si l’envoi d’un courrier de confirmation de la requête au fond pourra être adressé au greffe de la juridiction par prudence.

Il faudra également souligner que le texte prévoit que la notification de l’ordonnance de rejet devra expressément mentionner qu’en l’absence de confirmation du maintien de la requête au fond le requérant sera réputé s’être désisté. Il est donc peu probable que des oublis donnent lieu à l’abandon d’une requête au fond, le rappel de cette obligation ressortant expressément du courrier adressé par la juridiction à chaque notification.

2. La suppression de l’appel prolongée jusqu’au 31 décembre 2022 pour certains contentieux d’urbanisme

Ces dispositions visent les recours contre les autorisations d’urbanisme délivrées dans les zones tendues.

Le nouvel article R.811-1-1 du Code de justice administrative sera ainsi rédigé : « Les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application.
Les dispositions du présent article s’appliquent aux recours introduits entre le 1er décembre 2013 et le 31 décembre 2022. »

3. La preuve de l’intérêt à agir de l’auteur d’un recours contre un permis de construire

Soucieux de lever les freins à la construction, le gouvernement restreint les conditions de recevabilité des requêtes dirigées à l’encontre d’une décision d’urbanisme en exigeant la production de pièces démontrant l’intérêt à agir du requérant.

Ainsi, le décret n ° 2008-617 en date du 17 juillet 2018 introduit en son article 7 un nouvel article R.600-4 du Code de l’urbanisme rédigé comme suit :

« Art. R. 600-4.-Les requêtes dirigées contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d’irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien par le requérant.     
« Lorsqu’elles sont introduites par une association, ces mêmes requêtes doivent, à peine d’irrecevabilité, être accompagnées des statuts de celle-ci, ainsi que du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture.                       
« Le présent article n’est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. »

Ces dispositions viennent compléter l’article L.600-1-2 du Code de l’urbanisme introduit par l’ordonnance n° 2013-638 en date du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme dont il ressortait que :

« Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation. ».

Le requérant devra désormais justifier qu’il est directement affecté dans la jouissance d’un bien immobilier qu’il occupe « régulièrement » en produisant son titre de propriété, une promesse de vente ou un contrat préliminaire à la vente, un contrat de bail ou toute autre titre d’occupation.

A défaut, la requête sera tout simplement déclarée irrecevable.

S’agissant des associations, l’alinéa 2 de l’article R.600-4 du Code de l’urbanisme vient compléter l’article L.600-1-1 en conditionnant la recevabilité de la requête à la communication des statuts de l’association et du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture.

Il apparaît que cette condition était déjà exigée par les défendeurs lorsque les associations ne justifiaient pas de ces conditions de recevabilité dès l’introduction de la requête : le gain en termes de rapidité et d’efficacité sera ici très certainement établi.

4. La mention de la date d’affichage de la demande d’autorisation d’urbanisme en mairie dans la décision prise par l’administration

L’administration devra désormais mentionner la date d’affichage en mairie de l’avis de dépôt de la demande d’autorisation dans toute autorisation d’urbanisme, y compris en cas de non opposition à une déclaration de travaux ;

L’article R.424-5 du Code de l’urbanisme est ainsi modifié :

« En cas d’autorisation ou de non-opposition à déclaration préalable, la décision mentionne la date d’affichage en mairie de l’avis de dépôt prévu à l’article R. 423-6.
Si la décision comporte rejet de la demande, si elle est assortie de prescriptions ou s’il s’agit d’un sursis à statuer, elle doit être motivée.
Il en est de même lorsqu’une dérogation ou une adaptation mineure est accordée. »

L’article R.424-13 du Code de l’urbanisme est également modifié pour les permis tacites ou les certificats de non opposition :

« En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l’objet d’une déclaration, l’autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit.
Ce certificat mentionne la date d’affichage en mairie de l’avis de dépôt prévu à l’article R. * 423-6.
En cas de permis tacite, ce certificat indique la date à laquelle le dossier a été transmis au préfet ou à son délégué dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales. »

5. La cristallisation des moyens dans les recours formés contre une décision d’urbanisme, deux mois après la communication du premier mémoire en défense

Les juridictions administratives peuvent d’ores et déjà fixer par ordonnance la date à partir de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyen nouveaux en application de l’article R.611-7-1 du Code de justice administrative introduit par le décret n° 2016-1480 en date du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative.

Le décret n° 2018-617 en date du 17 juillet 2018 crée un nouveau régime dérogatoire en matière d’urbanisme en introduisant un nouvel article R.600-5 au sein du Code selon lequel :

« Par dérogation à l’article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l’application de l’article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d’une requête relative à une décision d’occupation ou d’utilisation du sol régie par le présent code, ou d’une demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s’effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article R. 611-3 du code de justice administrative. 
« Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu’il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l’affaire le justifie.         
« Le présent article n’est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. »

Les parties ne pourront donc plus introduire aucun moyen nouveau dans un délai de deux mois à compter de la notification du premier mémoire en défense.

6. Le délai de jugement des recours contre une autorisation d’urbanisme sera réduit à dix mois

L’article 7 du décret n° 2018-617 introduit également un nouvel article R.600-6 au sein du Code de l’urbanisme aux termes duquel :

« Le juge statue dans un délai de dix mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d’aménager un lotissement. 
« La cour administrative d’appel statue dans le même délai sur les jugements rendus sur les requêtes mentionnées au premier alinéa.
 »

Ces dispositions, vertueuses et dont les requérants pourront espérer qu’elles leur permettront d’être fixés plus rapidement sur leur sort, ne sont toutefois assorties d’aucune sanction et leur non respect ne sera assorti d’aucune conséquence.

7. L’attestation de non recours

Les promoteurs immobiliers qui voudront sécuriser leurs projets pourront également solliciter la délivrance d’une attestation de non recours. Cette attestation pouvait déjà être demandée aux greffes des juridictions administratives mais la pratique est désormais codifiée à l’article R.600-7 :

« Toute personne peut se faire délivrer par le greffe de la juridiction devant laquelle un recours est susceptible d’être formé contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, ou contre un jugement portant sur une telle décision, un document qui, soit atteste de l’absence de recours contentieux ou d’appel portant sur cette décision devant cette juridiction, soit, dans l’hypothèse où un recours ou un appel a été enregistré au greffe de la juridiction, indique la date d’enregistrement de ce recours ou de cet appel.       
« Toute personne peut se faire délivrer par le secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat un document attestant de l’absence de pourvoi contre un jugement ou un arrêt relatif à une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code ou, dans l’hypothèse où un pourvoi a été enregistré, indiquant la date d’enregistrement de ce pourvoi.
 »

Le certificat étant délivré à la date de la demande, en l’état du droit applicable, il conviendra d’attendre l’expiration des délais de recours pour que la délivrance d’une telle attestation soit utile. 

8. La modification du champ d’application de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme relatif à l’obligation de notifier un recours contre une décision en matière d’urbanisme

L’article R.600-1 du Code de l’urbanisme bien connu des avocats qui notifient leurs recours, sera modifié par le décret n° 2018-617 en date du 17 juillet 2018 comme suit :

« 1° Le premier alinéa de l’article R. 600-1 est ainsi modifié :         
a) A la première phrase, les mots : « d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir, » sont remplacés par les mots : « ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, » ;       
b) A la deuxième phrase, les mots : « une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir » sont remplacés par les mots : « ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code »
 »

L’article R.600-1 dans sa nouvelle rédaction devra donc être lu comme suit :

« En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code. L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. »

La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours.

La notification du recours à l’auteur de la décision et, s’il y a lieu, au titulaire de l’autorisation est réputée accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. »

9. La réduction du délai de recours après l’achèvement d’une construction

Pour protéger les constructions achevées, le pouvoir réglementaire a enfin réduit de moitié le délai dans lequel un recours pourra être introduit postérieurement à l’achèvement des constructions.

L’article R.600-3 du Code de l’urbanisme est ainsi modifié :

« Aucune action en vue de l’annulation d’un permis de construire ou d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable n’est recevable à l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement.
Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d’achèvement mentionnée à l’article R. 462-1.
 »

Les constructeurs comprendront l’importance de déposer une déclaration d’achèvement des travaux en temps et en heures …

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