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De la nécessité de rappeler l’enjeu essentiel de la définition préalables des besoins dans un marché public

La définition préalable des besoins est une étape déterminante dans un marché public.

Détaillée, tenant précisément compte des attentes de l’acheteur public définies en fonction de ses propres besoins et des missions d’intérêt général qui lui incombent, elle sécurise à la fois la procédure de passation du marché et son exécution. Elle prévient les difficultés susceptibles de naître des imprécisions du contrat à travers la rédaction d’un programme ou un cahier des charges précis et exhaustif.

Négligée, traitée très sommairement à travers l’énoncé général d’un marché dans le seul but de permettre aux opérateurs économiques privés de se porter candidats à l’attribution du marché dont ils imagineront l’étendue, elle apporte confusion, insécurité et risque de conflits tout au long de la vie du marché.

Les exigences inhérentes à la définition préalable des besoins ont encore été rappelées par les dispositions de l’ordonnance n° 2015-899 en date du 23 juillet 2015 et du décret n° 2016-360 en date du 25 mars 2016 qui se sont substituées au Code des marchés publics de 2006.

L’article 30 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics prescrit désormais que : « La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. ». Ces dispositions ont été ratifiées par l’article 39 de la loi n° 16-1691 en date du 9 décembre 2016.

La définition préalable des besoins figure surtout au chapitre 1er du titre II du décret du 25 mars 2016 relatif à la passation des marchés publics : les modalités de définition du besoin font l’objet d’un examen de détail, de même que les nouvelles techniques qui pourront désormais être mises en œuvre par l’acheteur public.

Pour synthétiser les apports de ces textes, la DAJ a récemment remis à jour sa fiche technique relative à la définition des besoins destinés aux acheteurs publics.

Confrontés dans de nombreux dossiers aux difficultés résultant d’une mauvaise définition des besoins au stade de l’exécution des marché, cette mise à jour sera prétexte à un nouvel examen du principe de la définition préalable des besoins de l’acheteur public et un rappel des bonnes pratiques à avoir.

Une bonne définition préalable des besoins permet de répondre de façon satisfaisante aux exigences du droit des marchés publics

Les incidences d’une bonne définition du besoin à tous les stades du marché, de sa passation à son exécution méritent tout d’abord d’être rappelées.

Elle garantit en premier lieu le respect des principes de la commande publique et tout particulièrement la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de traitement des candidats, dont la valeur constitutionnelle a été consacrée dans la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-473 DC du 23 juin 2006.

L’absence ou l’insuffisance de définition des besoins peut ainsi caractériser un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence au sens de l’article L.551-1 du CJA (par ex : la sous estimation des quantités du marché : CE, 24 octobre 2008, Communauté d’agglomération de l’Artois, n° 313600 ; l’imprécision de la méthode de choix des offres : CE, 10 novembre 2010, Etablissement public nationale des produits de l’agriculture et de la mer, n° 340944 ; le renvoi à un dispositif ultérieur : CE, 8 août 2008, Région Bourgogne, n° 307143; la possibilité pour le candidat de proposer des « services annexes » non définis : CE, 15 décembre 2008, communauté urbaine de Dunkerque, n° 310380). 

Elle permet ensuite à l’acheteur public de choisir la technique contractuelle la mieux adaptée à ses besoins. Ainsi, l’identification d’un besoin récurrent dont l’étendue ou la fréquence ne peuvent être déterminées à la date de la signature du marché, motivera le recours à un accord-cadre prévu par les articles 78 et suivants du Décret. L’éventualité de prestations supplémentaires directement en lien avec l’exécution du marché justifiera la prévision d’une modification du marché en application des dispositions de l’article 139 du décret dès la signature du marché initial. La méconnaissance par l’acheteur des solutions techniques susceptibles d’être proposées par les opérateurs économiques favoriseront l’inscription de variantes au sein de la procédure d’appel d’offres pour permettre aux opérateurs économiques de proposer leurs solutions. 

La définition des besoins donnera encore à l’acheteur l’occasion d’estimer le montant du marché à conclure et donc la procédure de passation à mettre en œuvre – procédure formalisée au-delà des seuils européens, procédure adaptée en-deçà. Les difficultés liées à l’incapacité pour l’acheteur d’identifier les moyens susceptibles de satisfaire ses besoins pourront enfin le conduire à opter en faveur d’une procédure concurrentielle avec négociation ou d’un dialogue compétitif qui ouvriront la voie à une négociation au stade de la passation du marché.  

Enfin, les soumissionnaires soumettront des offres d’autant plus satisfaisantes que les besoins de l’acheteur ont été précisément définis, tandis que l’absence de toute ambiguïté ou imprécision dans la définition des prestations à réaliser permettra d’éviter les éventuelles discordances au stade de l’exécution des prestations.

La définition préalable des besoins connaît un renouveau avec les nouveaux textes

Lorsqu’il définit ses besoins, l’acheteur public doit désormais tenir compte des préoccupations de développement durable et concilier les objectifs de protection et de mise en valeur de l’environnement, du développement économique et du progrès social (CE, 23 novembre 2011, n° 351570).

L’acheteur public doit détailler ses besoins au sein d’un descriptif ou d’un cahier des clauses particulières qui fera partie intégrante du marché, par référence à des spécifications techniques telles que des normes établies par un organisme reconnu (normes AFNOR) ou par rapport à des exigences fonctionnelles et/ou de performance à atteindre. Elles doivent être objectives et neutres pour ne pas conduire à fausser le jeu de la concurrence et permettre à l’acheteur public de bénéficier de la meilleure prestation appréciée sur la base d’un critère objectivable.

Surtout, les spécifications techniques utilisées par l’acheteur public doivent être adaptées et proportionnées à l’objet du marché, c’est à dire justifiées au regard de la nature et l’étendue des prestations. Il n’est évidemment pas question de stipuler des spécifications qui ne seraient pas nécessaires pour la bonne exécution du contrat mais dont l’effet serait d’entraîner une restriction de l’accès à la commande publique (CAA Marseille, 20 décembre 2010, Sté SIORAT, n° 08MA01775 ; CE, 10 février 2016, Sté SMC2, n° 382148; CE, 30 septembre 2011, Région de Picardie, n° 350431).

L’utilisation de conditions d’exécution au stade de la définition des besoins doit par ailleurs permettre aux acheteurs de bénéficier d’un support pour la mise en oeuvre de politiques publiques portées par l’Etat et les collectivités territoriales. Tel sera le cas, notamment, du soutien des PME dans les marchés publics, des politiques de développement durable ou de considérations écologiques.

Les dispositions applicables à l’ensemble des marchés publics promeuvent ainsi l’intégration de considérations environnementales ou sociales comme conditions d’exécution des prestations, dès lors qu’elles ne présentent pas un caractère discriminatoire pour l’ensemble des candidats.

De même, l’acheteur peut favoriser les circuits courts d’approvisionnement en fixant des objectifs d’approvisionnement direct, local et/ou saisonnier formulés à travers une limitation du nombre d’intermédiaires dans le transport et non pas la création d’un nouveau critère géographique, en principe proscrit (Rép. Min. n° 40461, JOAN Q. 23 novembre 2004).

L’acheteur n’est toutefois soumis qu’à une obligation de moyen dans la mise en oeuvre de telles spécifications, c’est à dire qu’il pourra éventuellement y déroger mais devra alors s’en justifier en dressant la liste de toutes les circonstances l’ayant empêché de définir de tels critères.

Les nouvelles dispositions applicables aux marchés publics consacrent enfin le « sourcing » ou « sourçage » pour permettre à l’acheteur de d’informer et mieux comprendre le secteur économique concerné par l’appel d’offres. Le but de cette pratique est de l’aider à demander aux opérateurs économiques les services les mieux adaptés à ses besoins tout en ayant pris le temps de se tenir informé de l’existant. L’acheteur public peut ainsi engager des consultations, réaliser des études de marché ou solliciter des avis auprès des opérateurs économiques pour mieux connaître le secteur d’activité qui l’intéresse et mieux appréhender les pratiques et solutions existantes dans la définition de ses besoins. 

La pratique du sourcing ne doit cependant pas porter atteinte à la concurrence en offrant à un opérateur économique l’accès à des informations privilégiées qui le favoriseraient dans la procédure d’appel d’offres et feraient craindre la commission du délit d’octroi d’avantage injustifié prévu par l’article 432-14 du code pénal. L’exclusion d’un opérateur économique ayant participé à cette étape du « sourcing » n’est cependant pas souhaitable et il appartiendra donc à l’acheteur d’organiser une meilleure information de l’ensemble des candidats afin de les placer en situation d’égalité dans le cadre de la procédure d’appel d’offres. 

En l’absence de définition préalable, les conséquences sont très difficilement réparables

Les difficultés nées de l’exécution d’un marché mal ou insuffisamment défini se présentent très régulièrement, qu’il s’agisse d’un marché de prestations intellectuelles dont l’étendue n’était pas déterminable au stade de la procédure de passation du marché ou d’un marché de travaux dont l’objet aura évolué tout au long du chantier, provoquant parfois des désordres bien plus graves en l’absence de réflexion en profondeur sur les incidences de ces changements.

Les opérateurs économiques doivent alors faire le dos rond face à des difficultés importantes dans l’exécution du marché, supporter des adaptations qui sont rarement rémunérées et le placent en difficulté, demander la régularisation d’avenants que le maître d’ouvrage n’est parfois pas en droit de signer …

De façon concrète, l’absence de définition préalable des besoins pourra entraîner soit un dépassement des seuils de passation des marchés à l’origine de l’annulation de la procédure de passation avec un risque pénal à la clé (article 432-14 du Code pénal), soit le risque de voir un avenant déclaré illégal dans la mesure où le juge administratif constate que les modifications très nombreuses du marché aboutissent à un bouleversement économique du marché non justifié (CAA Douai, 17 mai 2000, n° 98DA01231).

Plutôt que de s’engager dans des procédures contentieuses aux conclusions incertaines et dont la durée serait en tout état de cause de nature à rendre la démarche inutile dans le cadre de l’exécution du marché, le recours à la médiation administrative s’avère alors être une solution rapide et efficace pour organiser une nouvelle entente contractuelle entre des parties en désaccord.

Reste à espérer que les acheteurs publics se saisissent désormais de cette potentialité en réinstaurant le dialogue avec leurs contractants, situation évidemment préférable à l’imposition d’une modification unilatérale du marché.

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