Cass., 3 ème civ., 20 avril 2022, n° 21-16.297 – Publié au Bulletin :
Le contentieux relatif à la distinction entre l’exclusion de la garantie de l’assureur et la condition de
sa mise en œuvre ne cesse d’occuper les juridictions, compte tenu parfois de la difficulté à distinguer
clairement ces deux notions en pratique.
Or, cette distinction est primordiale.
En effet, alors que, sauf en matière d’assurance obligatoire, les parties sont libres de définir
librement le risque garanti, le législateur a prévu certains garde-fous pour protéger les assurés contre
les effets des clauses obscures ou subreptices.
Ainsi, si l’assureur peut stipuler que certains dommages seront exclus de la garantie, il doit alors
respecter des conditions de fond et de forme, afin d’attirer l’attention de l’assuré.
Notamment, il est prévu que les exclusions de garanties doivent être stipulées de manière formelle
et limitée (article L.113-1 du Code des assurances) et doivent, en outre, être mentionnées dans la
police en caractères très apparents (article L.112-4 du Code des assurances).
Néanmoins, ces exigences ne s’attachent qu’aux clauses d’exclusion de la garantie et non aux clauses
conditionnant la garantie.
La qualification de la clause revêt donc une importance toute particulière en cas de litige.
Par ailleurs, les règles de preuve ne sont pas, non plus, les mêmes.
S’il incombe à l’assuré de prouver que le sinistre correspond à la définition du risque et que les
conditions de la garantie sont remplies, il appartient à l’assureur de prouver que les circonstances du
sinistre justifient la mise en œuvre des exclusions.
Or, il apparaît que la distinction entre les deux types de clause n’est pas toujours aisée.
Par principe, lorsque l’événement visé par la clause affecte en permanence le risque couvert, elle
doit être qualifiée de « condition de la garantie » (exemple : obligation d’installer un système
d’alarme).
En revanche, la clause qui « prive l’assuré du bénéfice de la garantie des risques […] en considération
de circonstances particulières de réalisation du risque » constitue une clause d’exclusion de garantie
(exemple : obligation d’enclencher le système d’alarme).
La preuve du caractère opposable de la clause d’exclusion de garantie pèse sur l’assureur (Cass., 2 ème
civ., 21 février 2013, n° 12-17.528).
La Haute juridiction est régulièrement amenée à rappeler la définition de la clause d’exclusion de
garantie comme l’illustre parfaitement l’arrêt rendu par la 3 ème chambre civile le 20 avril 2022.
En l’espèce, il était question d’une clause d’un contrat d’architecte qui, tout en définissant le risque
par référence à la profession d’architecte, telle qu’elle est définie par la règlementation et la
législation en vigueur, contenait également un certain nombre d’exclusions de garantie, en
considération de certains manquements commis par l’architecte dans l’exercice de sa mission.
La Cour d’appel avait fait droit à la demande de l’assureur, et avait considéré que le commencement
des travaux sans l’obtention d’une autorisation d’urbanisme constituait une infraction pénale, si bien
que l’architecte avait manqué au devoir d’intégrité imposé par l’article 12 du Code de déontologie.
Il avait alors été considéré que cette situation ne plaçait pas l’architecte dans le cadre d’une
exclusion de garantie, mais dans celui d’un risque non couvert par l’assureur.
L’arrêt a été cassé par la Cour de cassation, au motif que l’exécution des travaux en méconnaissance
des règles d’urbanisme, imposant l’obtention d’une autorisation de construire, constituait une
circonstance particulière de la réalisation du risque, de sorte que l’assureur invoquait, en fait, une
exclusion de garantie.
Il en résulte que les juges doivent nécessairement rechercher, in concreto, si la clause qui leur est
soumise, même si elle ne se présente pas formellement comme une clause d’exclusion de garantie,
ne referme pas de fait une exclusion, devant alors répondre aux exigences des articles L.113-1 et
L.112-4 du Code des assurances.
Karen VIERA
Juriste
SELARL ANTARIUS AVOCATS